Le Maréchal Jourdan
souligné qu’il demeurait partisan d’un exécutif fort,
il termina avec beaucoup d’esprit, toujours guidé par l’idée de liberté
individuelle, en faisant allusion à l’édit de Nantes d’Henri IV.
Quoique fort applaudi, le maréchal ne fut pas suivi dans ses conclusions par la chambre. Par
contre, le ministère goûta assez peu son titervention et dans l’entourage royal on
pensa que décidément il était incorrigible. On eût peut-être toléré ces écarts
d’opinion chez un simple pair, mais c’était moins admissible de la part
d’un maréchal de France.
Si, dans l’ensemble, la Chambre des pairs, malgré quelques
velléités, avait soutenu le gouvernement, Jourdan était de ceux qui entendaient continuer à
s’y faire écouter, défendant toujours les principes de liberté. Il eut
l’occasion de reprendre la parole trois mois plus tard. Inquiet
de constater un glissement vers la gauche dans la composition de la Chambre des députés, le
ministère soumit au pouvoir législatif un projet de loi modifiant le système électoral par le
procédé dit du double vote. Au vote censitaire simple alors en application, viendrait se
surimposer le droit de second vote accordé au quart des électeurs les plus imposés, qui
permettrait d’élire cent soixante-douze députés de plus par rapport aux cent
cinquante-huit issus de l’ancien système. Et, ces cent soixante-douze nouveaux élus
seraient forcément conservateurs, donc en accord avec l’exécutif.
Dans la circonstance, Jourdan défendit une fois de plus ses idées mais, surtout, voulut
mettre en garde le gouvernement contre les risques qu’il prenait en rendant par
cette loi illusoire toute forme d’opposition. D’ailleurs, précisait-il,
le système encore en vigueur était le seul conforme à la Charte de 1814. Il termina en citant
Montesquieu et en prophétisant que l’impopularité avec laquelle la nouvelle loi
électorale serait accueillie par l’ensemble des Français risquait à long terme de se
révéler néfaste pour la dynastie. Quoique vivement ovationné, une fois de plus, il ne fut pas
suivi et, se le tenant pour dit, n’titervtit plus de manière aussi éclatante dans
les mois qui suivirent. Il eut toutefois une satisfaction. Au cours d’un entretien
privé, le duc d’Angoulême, frère du duc de Berry, ne lui cacha pas que le roi et
lui-même, contrairement à l’avis de tous leurs courtisans, pensaient que le maréchal
pourrait bien avoir raison.
*
Les Jourdan habitaient toujours leur propriété du Coudray et ne
disposaient d’aucun logement à Paris. Pendant de nombreuses années ils
s’en étaient accommodés, leur domaine n’étant pas trop éloigné de la
capitale. Mais, à présent, durant les sessions, la présence du maréchal à la chambre était
requise plusieurs fois par semaine. De plus, il devait mener une certaine vie mondaine et
paraître de manière régulière à la cour et chez le comte d’Artois. Aussi
décidèrent-ils d’acquérir un domicile à Paris. En 1822, ils achetèrent un hôtel
d’une certaine importance situé 54 rue de Lille et le Coudray devtit leur résidence
de campagne.
Dans l’année suivant cette installation, qui donna lieu à plusieurs réceptions,
Jourdan eut une nouvelle fois l’occasion de faire connaître publiquement sa manière
de penser et son indépendance de caractère. En 1823, le maréchal Davout mourut.
L’usage voulait que l’un de ses frères d’armes prononçât
l’éloge du défunt sur sa tombe. Or, Davout, de naturel difficile et prompt à
chercher noise, était en assez mauvais termes avec presque tous ses camarades et ceux-ci
étaient peu soucieux de venir l’encenser. Certes, ils tinrent à faire acte de
présence à la cérémonie funèbre, mais il ne fallait pas leur en demander davantage. Le ministre
de la Guerre eut alors l’idée de demander à Jourdan, qui n’avait eu que
peu de rapports avec le défunt et ne s’était jamais heurté à lui, de prononcer le
fameux discours. Certes, de la part de Jourdan, on pouvait s’attendre à une
prestation déconcertante peu en rapport avec le potit de vue officiel et il n’y
manqua pas, d’autant que, de son côté, Davout avait entretenu
des relations ambiguës avec les Bourbons. Rappelant avec insistance les
origines du défunt, de très ancienne noblesse, il s’appesantit sur le fait que,
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