Le Maréchal Jourdan
contraignît, ce légitimiste bon
tetit, fidèle partisan des Bourbons, qui avait voté en 1815 la mort du maréchal Ney,
n’envisagea pas un instant de servir sous le règne d’un personnage
qu’il traitait déjà d’usurpateur. Il démissionna donc le 10 août
et le roi, qui voyait là un moyen de tourner la difficulté, offrit ce gouvernement à Jourdan
qui, très satisfait lui aussi, se dépêcha d’accepter. Sa nomination parut au Journal militaire officiel , le 11 août ! Il demeura toutefois au
ministère jusqu’au 18, date à laquelle, ayant passé les pouvoirs à Molé, il partit
occuper son nouveau poste.
D’entrée de jeu, Jourdan eut à résoudre un problème délicat de personnel.
L’adjotit de l’ancien gouverneur, qui portait le titre de
« commandant de l’hôtel » et était par tradition un officier
général, avait démissionné en même temps que son patron dont il partageait les idées. Sans
hésiter, le maréchal offrit le poste au général Dalesme. C’était l’ancien
adjotit de Jourdan au moment où celui-ci avait été promu à la tête du deuxième bataillon de
volontaires de la Haute-Vienne. On se souvient qu’il était resté son second
jusqu’en 1793. Puis leurs carrières avaient divergé. Dalesme, général de brigade
depuis 1793, ne s’était retrouvé divisionnaire qu’en 1814. Il avait eu la
malchance d’être fait prisonnier à deux reprises, ce qui avait sans doute nui à son
avancement. Mais il était toujours resté en rapport avec Jourdan dont il demeurait
l’ami. Depuis 1815, mis à la retraite, il vivait retiré à Limoges. Jourdan le savait
compétent, fidèle et loyal, et puis il aimait avoir à ses côtés des hommes qu’il
connaissait et estimait.
Dalesme, quoique âgé de soixante-sept ans, un peu plus jeune que le maréchal, demeurait
alerte et s’ennuyait à ne rien faire. Il accepta d’autant plus facilement
qu’il pensait que la fonction n’était pas très absorbante, ce en quoi il
se trompait.
Fondée par Louis XIV, l’institution était, comme son nom l’indiquait,
destinée à recevoir des mutilés de guerre sans beaucoup de ressources et ces militaires
auraient dû être à la fois calmes et disciplinés. Or, ce n’était pas toujours le
cas. Parmi eux, il y avait souvent de fortes têtes que leur incapacité physique ne rendait pas
pour autant plus dociles. Jourdan et Dalesme, quoiqu’il leur en coûtât, furent
amenés à de nombreuses reprises à sévir, la punition dans les cas extrêmes pouvant aller
jusqu’au renvoi de l’institution.
Pour le reste, l’essentiel du travail se révéla purement
administratif, mais tout de même assez lourd. Les services aux ordres du maréchal assuraient la
gestion non seulement de l’hôtel des Invalides à Paris mais, en plus, de
l’annexe de celui-ci. C’était le château d’Avignon, autrement
dit l’ancien palais des Papes, transformé en caserne sous la Révolution et affecté à
cette nouvelle destination depuis 1815. La distance les séparant en rendait le contrôle
malaisé. Jourdan s’en rendit compte. Pourtant, comme son prédécesseur, il répugna à
déléguer trop de son autorité à un responsable local, préférant échanger une nombreuse
correspondance avec le commandant du château dans le Vaucluse, Villelume.
En plus de ses fonctions de directeur de la fondation, le gouverneur avait un rôle de
représentation qui l’amenait à prendre place dans toutes les cérémonies officielles,
qu’elles soient à caractère militaire ou civil, laïque ou religieux ; et
ce n’était pas pour déplaire à Jourdan, car il avait ainsi l’occasion de
parader en grande tenue.
En tant que maréchal de France, il touchait une solde de quarante mille francs (or) par an,
ce qui était tout à fait confortable quoique bien moindre que sous l’Empire. Le
traitement annuel de gouverneur des Invalides était également de quarante mille francs.
Or, le gouvernement de Louis-Philippe eut rapidement à faire face à des difficultés
budgétaires que le ministre des Finances, le baron Louis, connu pour la rigueur de sa gestion,
entendit maîtriser. Il demanda donc certains sacrifices à des personnalités pour qui ce
n’était pas une renonciation trop pénible. Ce fut le cas de Jourdan
puisque, de par sa nouvelle position, il bénéficiait d’un
double revenu. Par une lettre au
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