Le Maréchal Jourdan
l’état-major n’était pas
l’effet du hasard. Dumouriez, ancien ministre de la Guerre dans un gouvernement
girondin, à présent commandant en chef de l’armée du Nord, après avoir entretenu de
bons rapports avec l’assemblée, avait vu ceux-ci se dégrader peu à peu. Demeuré
royaliste, partisan d’une monarchie constitutionnelle, il avait peu goûté le procès
et encore moins l’exécution de Louis XVI, qui avait eu pour conséquence directe la
formation d’une coalition européenne contre la France. À présent, il souhaitait voir
la branche d’Orléans, Philippe Égalité et son fils, le duc de Chartes, qui faisait
partie de son état-major, monter sur le trône. Le plus mauvais état d’esprit régnait
dans cet organisme, les officiers traitant ouvertement les députés à la Convention
d’imbéciles. Cet état de fait n’avait pas échappé à
l’assemblée et elle décida d’y faire affecter quelques officiers à la
fois capables et « politiquement corrects ».
Peu nombreux étaient ceux qui correspondaient à ce double critère. Mais c’était le
cas de Jourdan. Il représentait toutefois un cas hors normes. Une tradition bien établie
voulait que le corps d’état-major soit recruté parmi de jeunes officiers du rang de
lieutenant ou capitaine. On leur enseignait sur place les différents aspects de cette fonction
très particulière et, s’ils y réussissaient, ils étaient promis à un bel avenir. Or
Jourdan, bien qu’il n’eût que trente et un ans, était colonel et,
s’il ignorait tout ou à peu près tout du fonctionnement d’un état-major,
il avait déjà une solide expérience du métier des armes. De plus, le choix dont il avait fait
l’objet avait un caractère trop politique pour être ignoré de l’entourage
du général en chef. On l’accueillit donc avec quelque méfiance et il fut
probablement systématiquement tenu à l’écart. Nous ignorons tout du rôle
qu’il joua à l’état-major de l’armée entre février et
mai 1793. Lui-même n’en a jamais parlé dans ses mémoires et il
n’existe aucun document dans les archives à ce sujet. Fut-il un simple agent du club
des Jacobins, puis à partir d’avril du Comité de salut public, ou le chargea-t-on de
diverses missions et travaux ? Toutes les hypothèses sont possibles. En tous les
cas, il participa de manière active à la bataille de Neerwinden (18 mars).
Dumouriez, en opposition déclarée dès la fin de février avec les tenants de la Révolution,
projetait de marcher sur Paris à la tête de son armée, de balayer l’ensemble du
système en place et de rétablir la monarchie. Mais il avait besoin auparavant de remporter une
victoire éclatante.
Or, les Autrichiens le devancèrent. Leur nouveau chef, le prince de Saxe-Cobourg, profitant
de sa supériorité numérique, décida de prendre l’offensive. L’armée
française avait été fortement réduite par de nombreuses désertions et Dumouriez, après avoir
envahi la Hollande, avait dispersé ses unités pour tenir tout le pays. S’attaquant à
la droite du dispositif français, Saxe-Cobourg enleva Aix-la-Chapelle et Lièges, défendus par
les généraux Valence et Miranda qui ne s’entendaient pas. Puis, il continua sa
progression, s’avançant jusqu’à Tirlemont.
Au même moment, Custine, à la tête de l’armée du Rhin, après avoir progressé
jusqu’à Francfort, était contratit de battre en retraite jusqu’à la
frontière française après avoir jeté une importante garnison dans Mayence. Revenu
précipitamment des Pays-Bas, Dumouriez fut contratit d’accepter une bataille dans
des conditions plutôt défavorables. Son armée ne comptait qu’environ quarante-cinq
mille hommes de qualité inégale. En face, Cobourg pouvait en aligner presque le double. Mais
Dumouriez comptait sur sa réputation de général victorieux et sur le dynamisme de ses troupes
dont les charges à la baïonnette passaient, à juste raison, pour irrésistibles.
Les adversaires se rencontrèrent aux abords du village de Neerwinden, entre Bruxelles et
Liège. Les Autrichiens occupaient la rive droite de la rivière Ghette. Leur aile gauche était
commandée par Clerfayt, leur centre par le jeune archiduc Charles, dont c’était la
première campagne mais qui montrait déjà l’étoffe d’un grand capitaine,
et la droite par Cobourg qui, de la sorte,
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