Le Maréchal Jourdan
l’importance de l’opération.
Depuis le 30 juillet, Jourdan était général de division. Il devait cette nouvelle
nomination moins à ses talents militaires qu’à son activité politique déployée
depuis plusieurs mois, quoique l’influence de Carnot, chargé de la guerre au sein du
Comité de salut public, ait été grande dans le choix de quatre nouveaux
généraux : Jourdan, Pichegru, Hoche et Bonaparte. La plupart des généraux,
s’ils faisaient preuve d’un honnête républicanisme, évitaient de se mêler
de politique et de fréquenter les clubs. Dans cette période d’excès, cette tiédeur
était tenue pour suspecte par le pouvoir civil. La Convention avait pris pour habitude
d’envoyer aux armées des membres de l’assemblée pourvus de pouvoirs
étendus pour contrôler et conseiller les généraux. Ces commissaires politiques avant la lettre
pouvaient, suivant le cas, jouer un rôle bénéfique ou néfaste. En tous les cas, Jourdan était
en excellents termes avec ceux qui se trouvaient délégués à l’armée du Nord et à
qui, à Paris, on l’avait chaudement recommandé.
Ses promotions auraient pu lui faire tourner la tête comme à certains
autres. Ce ne fut pas le cas. Ses connaissances en stratégie et en tactique étaient plutôt
légères, ce qui, avec la méthode d’attaque en masse, sans tenir compte des pertes,
allait se révéler d’une importance secondaire. Mais, à cet échelon élevé, ses
talents d’organisateur se révélèrent fort utiles. Il avait également le sens du
commandement. Pouvant se montrer familier avec les soldats sans pour autant verser dans la
démagogie, il savait faire comprendre la distance exacte entre eux et matitenir chacun à sa
place. Il pouvait, le cas échéant, servir d’exemple pour entraîner ses troupes car
il était froidement brave. Phénomène plus rare, il avait un don pour découvrir les personnes
compétentes dont il faisait des adjotits fiables et de confiance. Il y avait eu Dalesme.
Général de division, il mit la main sur Ernouf, un chef de bataillon d’infanterie
dont il fit son adjudant général lorsqu’il fut mis à la tête d’une
division, et ensuite son chef d’état-major quand on lui confia une armée.
Travailleur, consciencieux et infatigable, Ernouf se révéla le plus précieux des assistants. Un
peu plus tard, Jourdan sélectionna avec le même bonheur ses divisionnaires qui auront pour
noms : Kléber, Marceau, Lefebvre ou Gouvion-Satit-Cyr.
*
Pour enlever Dunkerque, dont l’Angleterre comptait faire un
solide potit d’appui sur le continent, le duc d’York disposait
d’environ soixante mille hommes. Le corps de siège proprement dit, composé de
troupes anglaises et hanovriennes (le Hanovre était une possession britannique), en alignait
trente mille. Il était appuyé par deux corps d’observation. Le premier, autrichien
sous les ordres du maréchal Freytag, tenait la campagne entre les fleuves Yser et Grande Moëre
et comptait seize mille soldats ; le second, hollandais commandé par le prince
d’Orange, en incluait quinze mille et se trouvait plus au sud, à Menin.
La ville de Dunkerque, puissamment fortifiée, avait pour gouverneur le général Souham, un dur
à cuire et un des meilleurs généraux de l’armée française. Celui-ci était secondé
par deux officiers énergiques : le chef de bataillon Hoche et le lieutenant de
vaisseau Castagnier. Souham était déterminé à ne rendre la place qu’à la dernière
extrémité mais avait fait savoir au quartier général de l’armée du Nord
qu’il ne pourrait tenir indéfiniment.
Le duc d’York estimait avec raison que ses forces n’étaient pas
suffisantes pour réaliser un investissement complet de la forteresse dont le périmètre de
défense se développait sur plusieurs kilomètres. Aussi avait-il limité son front
d’attaque à une langue de terre située entre la Moëre et le pas de Calais.
De ce fait, Souham pouvait, quoique avec difficulté en raison des nombreuses
patrouilles britanniques, continuer à communiquer avec l’titérieur du pays.
Les travaux du siège proprement dit avançaient lentement car si la terre, assez meuble, était
facile à creuser, par contre, dès qu’ils atteignaient la profondeur de trois pieds,
les travailleurs trouvaient de l’eau en abondance, ce qui les gênait
considérablement.
Au quartier
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