Le Maréchal Jourdan
Cobourg était trop bon stratège pour entreprendre une marche en avant tant que cette dernière
constituerait une menace.
*
Le 15 mars, Jourdan avait pris son poste de commandant de l’armée de la
Moselle et avait eu soin, avant de quitter Limoges, de demander au ministère
qu’Ernouf fût également rappelé pour lui servir de chef d’état-major.
Forte de quarante-cinq mille hommes, cette grande unité s’était vue assigner un
objectif limité puisque le rôle principal incombait à Pichegru. Elle devait enlever la ville
d’Arlon, tenue par le corps autrichien de Beaulieu afin d’empêcher
celui-ci de se porter sur Namur puis Liège et de flanquer ainsi fortement Cobourg.
Depuis son retour à l’armée, Jourdan avait eu grand soin d’entretenir
les meilleurs rapports avec le Comité de salut public où le soutien de Carnot lui était
toujours acquis. D’ailleurs, son comportement à Limoges et le fait qu’il
y ait été élu président de son club parlaient en sa faveur. Il était difficile de mettre en
doute la sincérité et l’ardeur de ses sentiments.
Pour lui faciliter la tâche, le comité, fortement influencé par Carnot, commença par le
renforcer le 30 avril en lui envoyant mille cinq cents hommes, prélevés sur
l’armée du Rhin. Puis, après les échecs répétés de Pichegru, ce furent les trente
mille hommes de Desjardins et Charbonnier qui furent enlevés à l’armée du Nord et
envoyés à celle de la Moselle afin de lui permettre de jouer un rôle plus important que celui
initialement prévu. Du coup, celle-ci changea de nom et devtit l’armée de Sambre et
Meuse. Ce nom sous lequel elle allait devenir célèbre n’a rien à voir avec la
chanson patriotique écrite un siècle plus tard sur une musique de Plankett, l’auteur
des Cloches de Corneville , qui raconte les exploits héroïques mais imaginaires
d’un régiment qui n’a jamais existé !
À présent, l’armée de Jourdan comptait quatre-vingt-dix mille hommes, et si elle
était toujours pauvre en cavalerie (il ne cessait d’en réclamer), par contre, elle
se trouvait abondamment pourvue en artillerie. Il avait eu la chance de se voir affecter quatre
divisionnaires de grande valeur : Kléber, Marceau, Championnet et, dans une mesure
moindre, Lefebvre. Tout en lui demandant de faire preuve de dynamisme, le comité prêchait la
prudence et écrivait, le 6 mai, en recommandant de prendre toutes les mesures pour
éviter d’être rejeté d’Arlon lorsqu’il l’aurait
prise.
Jourdan, toujours bon organisateur, faisait tranquillement ses préparatifs et,
lorsqu’il s’estima prêt, s’empara sans difficulté
d’Arlon le 12 mai, « s’y enterrant
jusqu’aux dents ». Il fut alors impossible à Baulieu de l’en
déloger.
Si elle voulait être en mesure de peser sérieusement sur le flanc des forces de Cobourg,
l’armée de Sambre et Meuse devait dans un premier temps franchir la Sambre,
fortement tenue par les Autrichiens. Un des deux délégués de la Convention au
quartier général de Jourdan était le jeune Satit-Just, un Robespierriste enragé d’un
dynamisme forcené. Il insista pour qu’avant même la prise d’Arlon,
l’armée traversât la Sambre et attaquât les Autrichiens de Kaunitz pour les rejeter
vers l’ouest. Il avait trop d’influence pour que l’on
négligeât ses avis. Une première tentative eut lieu le 9 mai, mais
l’affaire avait été menée à la légère car Jourdan l’estimait prématurée.
Les troupes traversèrent bien la rivière mais furent contratites de la repasser dans le plus
grand désordre. Seulement, dans l’esprit de Satit-Just, l’idée même
d’un échec était inadmissible.
Il pouvait se montrer d’une obstination féroce sans vouloir tenir compte des
pertes que cela risquait d’occasionner. Entre le 9 mai et le
18 juin, l’armée française fit ainsi sept tentatives pour traverser la
rivière et ce fut seulement la dernière, supervisée cette fois personnellement par Jourdan, qui
fut couronnée de succès. Sa position n’en demeurait pas moins précaire, adossée
qu’elle était à la Sambre. En cas de défaite, la retraite pourrait tourner à la
catastrophe et Jourdan en était parfaitement conscient. Il se hâta donc de mettre le siège
devant Charleroi, pivot de la défense autrichienne.
Si Kaunitz, fort de ses positions retranchées,
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