Le Maréchal Jourdan
la descendre en
direction de Vienne.
Au lieu d’être en mesure de s’appuyer mutuellement, les deux armées
allaient donc devoir manoeuvrer séparément. De plus, si durant la campagne les deux
généraux en chef devaient modifier les plans de Carnot, ils devaient avant toutes choses en
référer à Paris ! Si encore les armées françaises avaient été opposées comme
l’année précédente aux deux armées autrichiennes commandées par Clerfayt et Wurmser
qui continuaient à ne pas s’entendre, elles auraient été en mesure de les vaincre
séparément. Mais le conseil aulique, état-major général de l’Autriche, conscient du
danger que représentait la double offensive française, avait choisi de créer un commandement
pour ses forces d’Allemagne et l’avait confié à l’archiduc
Charles, frère cadet de l’empereur François et sans doute le plus talentueux des
généraux autrichiens. Encore jeune (il n’avait guère plus de vingt-cinq ans),
dynamique, bon stratège, excellent tacticien, c’était un adversaire autrement
redoutable que Wurmser et Clerfayt. En poste depuis le début de l’année, il avait
demandé et obtenu des renforts considérables destinés, à ce moment, à l’Italie. Son
armée comptait plus de cent cinquante mille hommes. Jourdan n’en avait que
quatre-vingt-dix mille et Moreau soixante-dix mille. Mais avant le début de la campagne, et ce
malgré ses protestations les plus vives, Jourdan vit la sienne réduite à cinquante mille, car
de Paris on estimait primordial qu’il détachât plusieurs corps de troupes pour
masquer les forteresses de Mayence, Cassel et Ehbrenbreitstein, toutes aux mains des
Autrichiens. Par ailleurs, bien que là encore il eût multiplié les demandes, Jourdan manquait
toujours de cavalerie. À ses dix-huit mille chevaux, dont certains étaient très fatigués, les
Autrichiens pouvaient dès le départ en opposer plus de quarante mille.
Les deux généraux français s’étaient préparés avec beaucoup de soin, car ils
étaient conscients des difficultés qui les attendaient. De ce fait, tout le mois de mai se
passa en concentrations et en compléments d’équipements. D’ailleurs, un
armistice avait été signé entre la France et l’Autriche jusqu’à la fin du
mois. Ne se jugeant pas encore prête, l’Autriche avait souhaité le prolonger. Mais
le gouvernement français estimait avec raison que le temps travaillait contre lui et
s’y refusa. L’armée de Sambre et Meuse était déployée sur la rive gauche
du Rhin, entre Düsseldorf et Mayence, et celle du Rhin et Danube
de Mayence à Huningue. Donc, au
départ, elles étaient en rapports étroits, mais cela n’avait pas duré. Pendant ce
temps, Bonaparte avait pénétré en Italie, le 11 avril 1796. Mais, comme il ne
remportait de victoires, pour nombreuses qu’elles fussent, que sur les Piémontais,
personne dans un camp comme dans l’autre n’y prêta particulièrement
attention.
Jourdan avait la chance d’être secondé par trois excellents
divisionnaires : Kléber, qu’il avait à ses côtés depuis Fleurus, Lefebvre
et Bernadotte à qui il confia le commandement de son aile droite, mission extrêmement délicate
puisqu’il devrait s’efforcer de matitenir une liaison avec Moreau.
L’armée de Sambre et Meuse passa le Rhin, le 1 er juin, sans
difficulté, devançant de la sorte celle du Rhin et Danube. Trois jours plus tard, Kléber se
heurta au prince de Wurtemberg et lui infligea à Altenkirchen une sévère défaite. Il ne
s’était pas attendu à un affrontement aussi rapidement. Tout de suite après, il se
rabattit en protection sur la tête de pont de Neuwied et assura la traversée du gros de
l’armée (quarante-cinq mille hommes).
On a reproché à Jourdan de ne pas avoir profité de sa nette supériorité pour écraser le
prince de Wurtemberg, déjà étrillé par Kléber. Mais, en réalité, en agissant de la sorte, il ne
faisait que se conformer aux ordres du Directoire qui étaient de remonter la vallée du Main
sans perdre un seul jour. Et, surtout, de mener sur une grande échelle une action de diversion
qui permettrait à Moreau de traverser le Rhin sans rencontrer d’opposition sérieuse.
Jourdan prit tout de même la précaution de laisser Lefebvre, qui était sur sa gauche, pour
observer les mouvements de Wurtemberg, estimant que sa division
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