Le Maréchal Jourdan
sans illusions. Il avait compris que, pour masquer leur incompétence et
leur nullité, les directeurs n’hésiteraient pas à le sacrifier. Ce fut le
cas ! Il ne reçut pour l’heure aucune nouvelle affectation. Mais il avait
prévu le coup. Décidé faute de mieux à retourner momentanément à la politique, il profita de ce
que des élections devaient avoir lieu au mois d’avril pour faire savoir à Limoges
qu’il posait à nouveau sa candidature au Conseil des Cinq-Cents.
À ce moment, il était encore à Strasbourg mais cela ne le gêna nullement. Même si, depuis
deux ans, sa popularité avait quelque peu baissé en Haute-Vienne, il restait
l’enfant illustre de Limoges. De plus, alors que son Jacobinisme affiché aurait pu
le desservir dans un collège électoral à présent plus que modéré, il semblerait que ce fût le
contraire qui se produisit. Entre le gouvernement central de Paris et les autorités
provinciales, les causes de frictions se multipliaient. Dans les départements,
l’insécurité allait en grandissant, les routes n’étaient plus
entretenues, les tribunaux allaient à vau-l’eau, la gendarmerie manquait
d’effectifs et le brigandage sévissait comme jamais. Aussi, un candidat qui se
déclarait ouvertement d’opposition ne pouvait que séduire, et Jourdan fut élu par
les trois quarts des quatre-vingt-dix-sept électeurs. Si ce n’était plus la
quasi-unanimité de 1797, c’était tout de même un beau score pour un postulant qui
était loin et n’avait pas eu le loisir de faire campagne.
*
Jourdan se demandait, non sans quelque inquiétude, dans quelles dispositions
d’esprit il trouverait ses collègues après six mois d’absence et une
campagne militaire au cours de laquelle il avait eu à faire face aux pires difficultés. Il fut
vite rassuré. Si ses anciens adversaires n’avaient pas désarmé, ses amis
continuaient à le soutenir avec une ferveur renforcée, le considérant comme une victime du
gouvernement et ce d’autant plus qu’ils craignaient que, par un nouveau
coup d’État, le Directoire ne se débarrassât d’eux. Ils comptaient
beaucoup sur sa personnalité pour y faire obstacle. Tout en proclamant bien haut son
attachement à la République et à ses institutions, Jourdan ne cachait guère son mépris, son
dégoût vis-à-vis des hommes au pouvoir qu’il estimait incapables et corrompus.
Ceux-ci pourtant, comme pris de remords pour leur ingratitude vis-à-vis du général, le
nommèrent, le 27 avril, à peine dix jours après son élection, inspecteur général
d’infanterie à l’armée d’Italie. Il ne semble pas que Jourdan
ait jamais rempli cette fonction.
Si à l’extérieur les armées de la République avaient été
victorieuses, sa position aurait été difficile. Mais, en dehors de la Suisse où Masséna se
matitenait pour l’instant avec peine, les généraux français accumulaient les revers,
en particulier en Italie qui se trouvait aux trois quarts perdue. Dans le même temps, sans trop
dissimuler ses objectifs, une armée anglo-russe se préparait à débarquer en Hollande. La
gravité de la situation allait fournir à Jourdan une occasion de se remettre en avant et
d’titervenir sur la scène politique.
Il avait déjà titercédé depuis son retour en faveur de son ami Gay Vernon. Ce dernier, élu
député en 1798, s’était vu invalider à l’occasion du pseudo-coup
d’État du 22 Fructidor. En compensation, grâce à des appuis, il avait
obtenu un peu plus tard le poste de consul à Tripoli d’Asie, situation assez peu
enviable. En cours de route, à Rome, il s’était vu offrir la fonction de secrétaire
général du consulat de France dans la Ville éternelle et avait sauté sur l’occasion.
Mais ses ennemis, et il n’en manquait pas, ne laissèrent pas passer ce
qu’ils considérèrent comme une faute. Il avait alors été déchu de la nationalité
française et exilé. Il demanda une fois de plus l’aide de Jourdan qui
s’était toujours montré fidèle en amitié. Grâce à son titervention à la tribune des
Cinq-Cents, Gay Vernon obttit non seulement son pardon mais la régie de l’octroi de
Poitiers, petit poste qui lui convenait à merveille.
La seconde titervention de Jourdan eut un caractère beaucoup plus
sérieux. Elle prit place après la série de revers militaires qui avait suivi Stockach. Les
anciens
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