Le Maréchal Jourdan
Jacobins, prévoyant que ceux-ci étaient le prélude à l’invasion de la
France, demandèrent que les assemblées votent une résolution déclarant la patrie en danger,
comme cela avait été le cas en 1792. En fait, alors qu’en 1792 le territoire
national avait été violé, c’était loin d’être le cas, même si la menace
existait. Mais les députés de gauche avaient un autre objectif. Ils avaient deviné que
plusieurs membres du Directoire se sentaient tout prêts à réaliser un nouveau coup
d’État pour se matitenir à la tête du pays. La motion préparée par ces députés
prévoyait le remplacement des cinq directeurs par une commission de neuf membres ressemblant
singulièrement au Comité de salut public. Ce fut précisément le rapprochement avec les
institutions de 1793 qui amena le rejet de la fameuse motion. Une grande partie des députés ne
se souvenait que trop des excès qu’avait amenés à la Convention et au Comité de
salut public la déclaration de la patrie en danger. Dans trop d’esprits, les
massacres de la terreur étaient liés à cette motion. Ce fut en vain que certains tenants du
texte – et Jourdan fut du nombre –
s’évertuèrent à persuader leurs collègues qu’il n’en était
rien.
Le 13 septembre, alors que la première victoire de Masséna à Zurich remontait déjà à
trois mois et que l’on était à la veille de la seconde contre les Russes, Jourdan
monta à la tribune du conseil et y prononça un grand discours dans lequel il demandait une fois
de plus à ses collègues de déclarer la patrie en danger. S’il fit preuve
d’éloquence et même de grandiloquence, par contre, son argumentation fut assez
pauvre. Certes, il voyait des dangers menacer le pays de tous les côtés, et il
n’était pas le seul, mais il n’apportait aucune preuve de ce que ceux-ci
fussent réels, imminents et plus importants que quelques mois auparavant.
Finalement, sa proposition fut rejetée par cent soixante et onze voix pour et deux cent
quarante-cinq contre. Sans bien le pressentir, les députés venaient d’ouvrir la voie
à l’aventure napoléonienne.
À partir de ce moment et jusqu’au coup d’État de Brumaire, Jourdan
allait se contenter de siéger sans faire parler de lui. Il avait dans cette seconde moitié de
l’année 1799 d’autres préoccupations. Quoique ne disposant en principe
d’autres capitaux que ceux investis dans son fonds de commerce et avec, pour seule
source (officielle) de revenus, sa solde d’officier général, il réussit à réunir
suffisamment d’argent pour acheter, cette même année, le petit domaine du Coudray,
non loin de Corbeil. Bien que comprenant un château et des terres, il était extrêmement modeste
par comparaison avec ceux dont ses camarades se rendaient propriétaires à la même époque. Il ne
peut se comparer à Grosbois qu’acquit Moreau, au Savigny de Davout, au Rueil de
Masséna ou au Finhen de Pérignon. Mais il est probable que, durant ses campagnes, Jourdan
s’était vu offrir et avait accepté des « petits cadeaux » de
la part des municipalités des villes occupées par son armée. Ce fut grâce à eux
qu’il fut en mesure de se porter acquéreur du Coudray. Il allait y séjourner
longtemps dans les années suivantes, n’ayant pas de domicile fixe à Paris avant
1822. Il laissa à sa femme, dont le goût était plus sûr que le sien, le soin
d’aménager cette demeure. Tout en faisant preuve de simplicité, elle sut rendre
cette maison confortable et accueillante. Il est possible que, par la même occasion, Jourdan
vendit sa mercerie ou, alors, il la liquida, car il ne retourna plus à Limoges que de manière
fugitive. Mais il n’existe aucune preuve formelle qu’il mit un terme à
son commerce à ce moment-là et on en est réduit à des suppositions.
Cependant, les victoires de Masséna à Zurich, d’abord contre
les Autrichiens, contre les Russes ensuite, de Brune en Hollande à Bergen contre les
Anglo-Russes (19 et 20 septembre), écartaient pour l’heure le risque
d’invasion. Dans le même temps, Moreau regroupait les restes de l’armée
d’Italie autour de Gênes et la mettait en mesure de résister longtemps aux
Autrichiens avant de partir prendre le commandement de l’armée
d’Allemagne. Ainsi, après avoir été critique, la situation militaire de la France
redevenait
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