Le Maréchal Jourdan
seraient pendus et leurs cadavres laissés
accrochés aux potences. Jourdan montra peu d’enthousiasme lorsqu’il fut
mis au courant des procédés de son camarade. Plutôt enclin par nature à la clémence, il lui
était pénible de cautionner une telle conduite. Il savait que Joseph, qui partageait sa manière
de voir, n’accepterait que difficilement un tel comportement. Pourtant, il ne fit
rien pour contrecarrer l’action de Masséna, estimant celle-ci nécessaire à la
pacification de la Calabre.
La leçon avait porté ses fruits. Le calme revtit peu à peu dans le royaume et les efforts des
Bourbons pour entretenir une atmosphère d’insécurité décrurent sensiblement.
Pourtant, le 22 octobre 1806, l’assassinat de son aide de camp, le
colonel Bruyère, qui circulait seul dans les rues de Naples, fut un sérieux avertissement pour
Joseph qui, en la circonstance, perdit beaucoup de ses illusions. Cédant aux avis de Jourdan,
il ne sortit plus qu’avec une solide escorte, exclusivement composée de
Français.
Pour le reste, une administration française se mettait en place et Joseph ne récrimina plus
contre la présence de quarante mille Français sur son territoire. Masséna, qui avait prolongé
son séjour en Calabre jusqu’en décembre 1806, afin d’étudier la
possibilité d’un débarquement en Sicile, quitta Naples, le mois suivant, pour
rejoindre la grande armée, laissant le commandement de l’armée à Joseph, en fait à
Jourdan. Depuis l’automne, les deux maréchaux étaient en froid à cause
d’une erreur de Joseph. Masséna prétendait que la lutte contre la guérilla en
Calabre lui avait occasionné des frais excessifs. Il avait toujours un oeil sur la
défense de ses titérêts. Soucieux de ne pas se l’aliéner, le roi lui avait accordé
une indemnité exceptionnelle de cent mille francs. Mais, par un curieux désir
d’équité, il avait fait don de la même somme à Jourdan qui était resté tout le temps
à Naples mais qui l’avait acceptée. Vexé, Masséna en voulut à son camarade,
s’estimant lésé alors que Jourdan n’y était pour rien.
*
La vie à Naples, une fois le pays à peu près pacifié, se révéla agréable et facile. Certes
les Napolitains n’étaient pas d’ardents travailleurs, ainsi que le nota
sévèrement Roederer dans un rapport, mais la douceur du climat et une certaine sobriété des
habitants, ainsi que leur nonchalance, rendirent plus faciles les contacts entre eux et les
Français. Les problèmes militaires que Jourdan avait à résoudre étaient assez simples et
n’occupaient qu’une partie de son temps. En dehors de la routine
administrative, il fut surtout chargé d’organiser le recrutement de plusieurs
régiments envoyés en Pologne renforcer la grande armée. Ils eurent d’ailleurs le
plus grand mal à y supporter les rigueurs du climat. Le roi donnait l’exemple de la
nonchalance et se mit à courir le guilledou, car la reine Julie préférait rester à Paris auprès
de sa soeur, Désirée Bernadotte. Elle ne devait faire une brève apparition à Naples
qu’en 1808. Joseph tomba amoureux de la duchesse d’Atri et la cour
qu’il lui fit occupa une grande partie de son temps, pendant que son entourage
– y compris les Jourdan – se démenait pour essayer de
cacher cette liaison à sa femme.
Jourdan, qui avait rapidement fait venir à Naples sa femme et ses enfants, avait un avantage
par rapport à la plupart des autres Français quant à ses rapports avec la société napolitaine.
Il avait fréquenté à Turin puis à Milan le monde, et si leurs coutumes différaient légèrement
de celles des Napolitains, c’étaient tous des Italiens et il existait un certain
nombre de potits communs. Aussi, l’accueil qu’il reçut de la noblesse
locale se révéla-t-il vite chaleureux, pour la plus grande satisfaction de Joseph qui cherchait
par tous les moyens à créer des liens entre son entourage et ses sujets. Au départ, ces
Napolitains fidèles aux Bourbons, dont ils escomptaient le retour, avaient fait preuve de
froideur voire d’hostilité. Mais au fil des mois ils s’étaient quelque
peu apprivoisés. Jourdan lui aussi évoluait. Du Jacobin de 1793 il ne restait plus grand-chose.
Il se disait toujours républicain et partisan de la liberté, ou plus précisément adversaire de
la tyrannie, mais ces sentiments n’avaient
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