Le Maréchal Jourdan
Davout et Brune, qui, lui, n’eut jamais aucun titre, en étaient omis. Pérignon
et Sérurier, deux des « honoraires », ne furent jamais que comtes.
Une difficulté surgit immédiatement : Masséna se voyait offrir
Rivoli mais aurait voulu Zurich. Jourdan demanda d’emblée à être duc de Fleurus.
Mais Napoléon ne pouvait se résoudre à accepter des titres rappelant des victoires primordiales
dans lesquelles il n’avait joué aucun rôle. Il fit donc établir une seconde liste
dans laquelle Masséna serait duc de Calabre et Jourdan duc des Abruzzes. Tous deux refusèrent,
Jourdan s’en tenant à Fleurus et Masséna à Zurich. Napoléon fit alors dresser une
troisième liste et là tous deux en étaient absents. Masséna se résigna alors de mauvaise grâce
à accepter Rivoli, mais Jourdan, dont la position n’avait pas varié, se retrouva
définitivement sans titre sur la quatrième et dernière liste. Pourtant, Lannes, qui était
toujours son ami, avait plaidé sa cause auprès de l’empereur et s’était
attiré cette réponse : « Il aurait un titre plus beau que le mien car je
n’ai jamais remporté une victoire ayant sauvé la
France ! »
La déception de Jourdan n’en fut pas moins sévère d’autant
qu’à présent il aspirait à recevoir un duché, n’importe lequel, lui
aussi. Le fait que les trois maréchaux nommés après 1811 ne furent jamais pourvus de duchés fut
une mince consolation. Aussi, les rapports de Jourdan et de Napoléon commencèrent-ils dès ce
moment à se détériorer davantage, si cela était possible.
Lorsque Joseph quitta Naples en juillet 1808 pour monter sur le trône
d’Espagne, l’titention de l’empereur était de laisser rentrer
Jourdan en France et de l’y matitenir sans emploi pendant une période indéfinie. Il
estimait qu’il n’avait pas particulièrement réussi à Naples, ce qui
compte tenu des moyens très limités dont il avait pu disposer était parfaitement inexact. De
plus, son insistance à être titré duc de Fleurus avait profondément déplu. Ce fut Joseph qui, à
force de persévérance, allant jusqu’à menacer de renoncer au trône
d’Espagne et de se retirer à Mortefontaine, obttit d’emmener Jourdan avec
lui comme chef d’état-major. Il jugeait que dans un poste qu’il prévoyait
comme particulièrement difficile, il aurait besoin d’avoir à la fois un ami et un
conseiller de valeur à ses côtés.
Généreux par nature, le roi fit pleuvoir avant son départ décorations et cadeaux sur tous ses
amis, qu’il les emmenât ou non avec lui. Pour sa part, Jourdan, qui avait été parmi
les premiers à être décoré du nouvel ordre des Deux-Siciles, créé par Joseph sur le modèle de
la Légion d’honneur, reçut une nouvelle gratification de près de trois cent mille
ducats. Par ses largesses, Joseph abandonnait un trésor à peu près vide. Prévoyant
qu’il pourrait avoir besoin d’argent et sur le conseil, semble-t-il, de
Jourdan, il rafla ce qui restait dans les caisses, laissant son beau-frère et successeur,
Murat, se tirer d’affaire comme il l’entendrait pour équilibrer son
budget.
IX
PREMIERS SÉJOURS EN ESPAGNE
(1808-1809)
L’titégration de l’Espagne dans le système politique français fut une
opération préparée de longue date par Napoléon, dès 1805 s’il faut en croire
Barante. À l’automne 1807, alors que l’Espagne était encore une alliée
fidèle de l’Empire, et qu’à la suite du traité de Fontainebleau, les deux
gouvernements avaient préparé de concert la conquête et le partage du Portugal,
Napoléon se rendit en Italie. À son frère Lucien, au cours d’une tentative de
réconciliation, il offrit la couronne d’Espagne alors que ce pays avait un souverain
légitime en place, Charles IV, un Bourbon. L’empereur ne mit
qu’une seule condition à sa proposition : que Lucien divorcerait. Mais
celui-ci, qui tenait à sa femme, n’avait aucune envie de régner et, de plus,
connaissant les Espagnols, il refusa l’offre.
Faute de mieux, Napoléon se rabattit sur Joseph. Ce dernier ne fit pas preuve d’un
enthousiasme débordant à l’idée de quitter son royaume de Naples où il se plaisait
en paix et vivait un grand amour. Il fallut presque lui forcer la main.
Dès les premiers mois de 1808, plusieurs corps d’armée français entrèrent en
Espagne, officiellement
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