Le Maréchal Jourdan
du général Reynier tenait garnison. Il
n’hésita pas, sans consulter quiconque, à attaquer cet adversaire sans tenir compte
de la chaleur qui accablait ses troupes. De plus, celles-ci, composées de Français, de
Polonais, d’Allemands et de Suisses, manquaient d’homogénéité. Les
Siciliens, gens prudents, ne participèrent pas à la bataille. Mais les Anglais du général
Stuart, bien qu’ils vissent le feu pour la première fois, résistèrent magnifiquement
par des tirs puissants et précis aux assauts des Français. Reynier dut battre en retraite. Il
laissait sur le terrain mille cinq cents tués et deux mille huit cents prisonniers aux mains de
son adversaire. Faute de cavalerie, les Anglais ne purent le poursuivre. Stuart, qui attendait
pour marcher sur Naples un soulèvement général de la population, promis par les souverains
napolitains, dut constater qu’il ne se produisait pas. En même temps, un
débarquement au nord de Naples, comprenant plusieurs milliers d’hommes sous les
ordres du colonel Pizza (c’était Fra Diavolo), se réduisit à moins de cinq cents
hommes qui se dispersèrent aussitôt dans la nature. Aussi l’armée alliée ne se
mit-elle en marche qu’avec une certaine prudence. Le général Reynier, qui
s’était replié jusqu’à Cosenza, voulut un peu plus tard, ayant peu à peu
reconstitué sa division, reprendre son offensive contre les Anglais. Il fut arrêté par un ordre
du roi (en fait, de Jourdan) qui lui ordonna de rester là où il était, de s’y
fortifier et de n’en pas bouger, car il constituait par sa seule présence une
sérieuse menace contre toute tentative de progression des alliés.
La nouvelle de la défaite de la baie de Sant’Eufemia avait provoqué un
commencement de panique à Naples, dans la colonie française. Joseph ne perdit pas la tête mais
ne savait quelles mesures prendre. Jourdan comprit tout de suite que dans une agglomération de
500 000 habitants à la topographie chaotique (trop de ruelles), une
insurrection serait difficile à réprimer avec les moyens militaires dont il disposait et
qu’en restant sur place, même dans son palais, le roi risquait fort de se retrouver
prisonnier des insurgés. Il lui conseilla donc de quitter Naples et d’aller
s’installer dans le camp retranché de Capodimonte, au nord de la capitale. Il était
un peu délabré mais Jourdan assura qu’en peu de temps les troupes dont il disposait
le remettraient en état, ce qui fut d’ailleurs le cas. Joseph se montrait hésitant.
Il était fort habilement en train de se créer une popularité auprès des Napolitains, en se
gardant d’appliquer les recommandations de son frère. Celui-ci trouvait ce
comportement ridicule et conseillait au nouveau roi de lever des contributions de guerre au
lieu de verser dans la démagogie.
Joseph craignait qu’en adoptant une attitude qui ressemblerait
à une fuite, il ne ruine l’oeuvre qu’il avait entreprise.
Pourtant, il finit par se rendre à l’avis de Jourdan et sortit presque
clandestinement de l’agglomération, prétendant qu’il
n’agissait ainsi que pour complaire à son entourage et qu’il avait
toujours été en sûreté dans son palais.
En tant que chef d’état-major, Jourdan confia à Masséna le soin de régler le
problème de l’armée anglaise. Le maréchal était à son affaire, très satisfait de ne
plus dépendre directement du roi et d’avoir comme titerlocuteur un autre maréchal.
Prenant son temps, car il estimait qu’il n’y avait aucune raison de se
hâter, Masséna concentra trois divisions auxquelles il joignit celle de Reynier. Il se porta
alors sur l’armée anglaise et lui infligea une sévère défaite à Sinopoli, non loin
de Cosenza, mais ne put l’exploiter à fond et la transformer en déroute chez
l’ennemi, par manque, lui aussi, de cavalerie. Sans insister, Sir John Stuart se
replia sur sa base de Sant’Eufemia et y rembarqua ses unités britanniques,
abandonnant à leur sort ses alliés siciliens. La population de Calabre s’était
montrée particulièrement sanguinaire vis-à-vis des Français après la défaite de Reynier. Aussi
la répression qui suivit leur retour fut-elle féroce. Désireux de rétablir l’ordre à
tout prix, Masséna fut sans pitié. Ayant constaté que de voir les leurs fusillés impressionnait
peu les Calabrais, il décréta qu’ils
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