Le Maréchal Jourdan
facile. Ce furent ses conseillers, et
en particulier Jourdan, qui finirent par le convaincre de demeurer en place au moins pour
quelque temps, ajoutant, ce qui était probablement vrai, qu’en cas
d’abdication l’empereur ne le lui pardonnerait jamais.
La petite équipe (on hésite à ce moment à parler de cour) de Joseph se rapprocha donc par
étapes de Madrid et ne s’y installa qu’au moment où Napoléon retournait
en toute hâte en France, où il était appelé par la nouvelle crise avec l’Autriche,
sans même s’arrêter pour saluer son frère.
Jourdan, entré à Madrid avec le roi, mesura vite qu’il allait
avoir à faire face à des difficultés insurmontables, car son titre de chef
d’état-major de l’armée d’Espagne était sans portée effective.
Joseph, pour sa part, aurait souhaité que son ami lui constituât une armée bien à lui, composée
exclusivement d’Espagnols avec, peut-être, quelques mercenaires pour
l’encadrer. Mais Jourdan savait que c’était impossible. La quasi-totalité
des cadres, officiers et sous-officiers de l’ancienne armée royale,
s’était spontanément mise au service de la junte révolutionnaire. Il en allait
de même de la troupe. De plus, ce n’étaient pas des régiments de bien
fameuse qualité car, pendant toute la durée de la guerre en Espagne, ces troupes allaient se
faire battre avec régularité par les armées françaises. Leur seul mérite serait de ne jamais
renoncer à combattre et, défaites et dispersées, elles prendraient du champ et iraient se
reconstituer pour repartir en guerre un peu plus loin.
*
Le véritable adversaire, représentant la seule menace sérieuse pour Joseph, était
l’armée anglaise. Si médiocres qu’aient été ses connaissances en matière
militaire, le roi, à en croire Jourdan, « n’était pas étranger à la
science de la stratégie » et avait parfaitement saisi le danger que représentait la
présence britannique dans la péninsule.
Peu après l’entrée des troupes françaises en Espagne, le gouvernement britannique
avait jeté une armée près de l’embouchure du Tage, au Portugal. C’était
la seule dont il disposait et elle ne dépassait pas cinquante mille hommes. Ses généraux âgés,
timorés et n’ayant qu’une confiance très limitée dans la valeur combative
de leurs subordonnés, avaient eu l’immense surprise de voir, peu après leur
débarquement, le corps de Junot arrivé avant eux jusqu’à Lisbonne capituler devant
eux. Enhardis, ils avaient alors lancé une partie de leurs troupes,
commandée par Sir John Moore, vers le nord. Mais celui-ci
s’était heurté à Napoléon en personne. Appelé peu après d’urgence en
France, l’empereur avait laissé au maréchal Soult le soin de jeter ses adversaires à
la mer. Par un prodigieux exploit, Moore avait réussi à gagner La Corogne et à y embarquer
presque toutes ses unités, abandonnant matériel et chevaux sur les plages ; un
Dunkerque avant la lettre. Le général anglais avait été tué en dirigeant
l’opération.
Après cet échec, un homme nouveau avait été nommé à la tête de l’armée
britannique. Il avait acquis une certaine renommée aux Indes. C’était Sir Arthur
Wellesley. Ce n’était pas un stratège de génie mais un personnage pragmatique, de
bon sens, utilisant au mieux les moyens dont il disposait et toujours prêt à abandonner ses
récents avantages acquis s’il l’estimait indispensable à la sauvegarde de
son armée. Avec cela, soucieux du bien-être de ses hommes, car il pensait que pour bien se
battre ils devaient être en bonne condition physique et, en même temps, il les méprisait
profondément en tant qu’individus.
Au départ, il n’allait avoir sous ses ordres que vingt-cinq mille Anglais et
mercenaires hanovriens plus une dizaine de milliers de Portugais. Il pouvait compter,
l’avait-on assuré, sur les quarante mille Espagnols de Cuesta, mais, très rapidement
et après les avoir passés en revue, il avait conçu des doutes sur leur valeur en tant que
combattants.
Ce fut néanmoins avec les soldats de cette coalition quelque peu chaotique qu’il
réussit à chasser, en trois semaines, Soult, qui s’était avancé jusqu’à
Porto, au Portugal. Mais le maréchal n’avait que vingt-cinq mille hommes
(mai 1809). Dans les deux mois qui suivirent, ce ne furent que chicanes
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