Le Maréchal Jourdan
Anglais laissèrent derrière eux la
moitié de leur artillerie dans des sentiers de montagne qu’ils avaient été
contratits d’emprunter.
Comme souvent dans de pareils cas, chaque camp se dépêcha de crier victoire. Wellesley, qui
ne manquait pas d’aplomb, alla jusqu’à présenter comme des drapeaux pris
à l’ennemi des fanions qui avaient été plantés dans le sol pour limiter la place de
chaque régiment avant qu’il ne parte à l’attaque et qui ne représentaient
rien. Le gouvernement britannique, qui en avait besoin pour doper son opinion publique plutôt
portée au pessimisme, se hâta de couvrir d’éloges et d’honneurs le
« vainqueur » qui fut créé Lord Wellington. Quoique ayant vu sa campagne
de Madrid se terminer par un fiasco, Wellesley, avec une totale impudeur, avait écrit à Londres
qu’il avait vaincu les Français.
De son côté, Joseph, avec davantage de raisons, fit chanter des Te Deum de victoire à
Madrid et rédiger des proclamations triomphantes. Puis il envoya des rapports dans le même
style à Napoléon.
*
Lorsqu’il fut mis au courant de la manière dont
s’étaient déroulés les événements, l’empereur entra dans une violente
colère. Il était d’abord furieux qu’on ne lui ait pas communiqué en temps
utile le plan de Jourdan dont il reconnut sans peine l’excellence mais qui, à ses
yeux, avait l’immense tort de ne pas sortir de sa main. Et sa fureur ne connut plus
de bornes lorsqu’il connut les circonstances dans lesquelles s’était
déroulée la bataille de Talavera. En présence de Berthier, il dicta une lettre à Clarke,
ministre de la Guerre, lui indiquant que au lieu de « lui faire connaître la
véritable situation des choses, on lui envoyait des carmagnoles et des amplifications
d’écoliers »...
Il lui fallait trouver un bouc émissaire. Victor (on ne sait trop pourquoi), un de ses
maréchaux favoris et Joseph, son frère, étaient titouchables. Sa colère tomba donc sur Jourdan
à qui il reprocha son manque d’énergie, la manière dont il avait mené les opérations
et de n’avoir pas su se faire obéir des autres maréchaux. Avec sa mauvaise foi et
son habitude de faire porter aux autres le poids de ses propres erreurs, il semblait oublier
que, s’il avait confirmé, le 17 juillet 1808, Jourdan dans son
poste de chef d’état-major de l’armée d’Espagne, il
s’était bien gardé de définir les pouvoirs qui accompagnaient ce titre. Il savait
qu’à ce moment Jourdan ne pouvait obtenir la moindre subordination de ses camarades
et il aurait dû se montrer satisfait des résultats obtenus avec d’aussi pauvres
moyens. Dès ce moment, et quoiqu’il sût que son frère était dans les plus mauvais
termes avec lui, il songea à remplacer Jourdan par Soult. Pourtant, il tergiversait.
L’incertitude qui planait sur la position du maréchal servait plutôt à justifier ses
propres erreurs. En le matitenant à son poste, il avait la facilité d’avoir sous la
main un responsable sur qui il pouvait faire porter ses reproches. Aussi, à
l’étonnement général, le 24 septembre, nomma-t-il Jourdan major général des
armées d’Espagne, mais, une fois encore, il se garda de définir ses pouvoirs
vis-à-vis de ses camarades.
Trop, c’en était trop ! Fatigué, malade et un peu écoeuré
malgré son amitié titacte pour le roi Joseph, Jourdan, appuyant sa requête sur une pile de
certificats médicaux, demanda son rappel. Toutefois, Napoléon le fit attendre un peu et ce ne
fut qu’en octobre que le major général reçut l’autorisation de rentrer en
France. Remplacé par Soult, il quitta ce même mois l’Espagne. Le roi Joseph, quoique
regrettant sincèrement son départ, ne tenta pas de le retenir. On ignore si à son retour à
Paris Jourdan eut un entretien avec l’empereur. Entre les deux hommes,
l’inimitié était flagrante.
Alors que les autres maréchaux continuaient à être couverts d’honneurs et
d’argent, sans même songer à se fixer à Paris, Jourdan se retira dans sa propriété
du Coudray où il allait vivre deux ans, se consacrant à sa famille. Il continuait à toucher sa
solde de maréchal qui était fort belle et, en 1811, eut la satisfaction de voir son nom
réinscrit dans l’Almanach impérial. Mais l’inaction n’allait
pas tarder à lui peser et, dès ce moment, il pensait que tant
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