Le Maréchal Jourdan
envoyé les renforts demandés, il commençait à retirer des troupes de la
péninsule pour étoffer les effectifs de l’armée qui allait agir contre la Russie.
Toutes ces perspectives laissaient présager un avenir plutôt sombre et, dès le départ, Jourdan
conseilla au roi d’adopter une politique de prudence et d’expectative, et
de renoncer jusqu’à nouvel ordre à poursuivre l’idée même de pacification
et d’expansion.
*
Au début de 1812, l’antagonisme, la rivalité existant entre les différents chefs
de corps français allaient continuer de plus belle. Marmont, qui avait succédé à Masséna,
acceptait encore plus difficilement de ce dernier toute idée de coopération. Au milieu de cette
atmosphère délirante, Jourdan s’efforçait, sans en avoir les moyens, de réaliser une
unité de commandement dont personne ne voulait entendre parler. Napoléon fit prévenir son frère
par une lettre du 28 mars que, devant se rendre lui-même en Pologne pour y prendre le
commandement de la Grande Armée, il le nommait commandant en chef des armées
d’Espagne. Mais, suivant sa détestable habitude, il se gardait bien
d’ordonner aux différents chefs de corps de lui obéir, bien au
contraire ! Or Joseph était tout à fait incapable de remplir de telles fonctions, le
savait et fit immédiatement appel au concours de Jourdan. Celui-ci, sans perdre un instant,
s’empressa de porter à la connaissance des maréchaux et généraux la décision
impériale. C’était tout ce qu’il pouvait faire dans ce moment. Ce fut
alors à qui trouverait les meilleurs arguments pour démontrer que la mesure ne
s’appliquait pas à lui. Le seul qui accepta, assez vaguement du reste, de se
soumettre fut Marmont.
Quant aux instructions que reçut Joseph, au lieu de lui prescrire de
concentrer ses armées, Napoléon lui recommanda de se matitenir partout, sans chercher toutefois
à étendre ses conquêtes jusqu’à nouvel ordre. Dans ces conditions, le roi, qui
n’avait pratiquement plus eu, depuis deux ans, de relations avec les chefs de corps
et ignorait à peu près tout de la situation militaire dans son ensemble, demanda à Jourdan de
rédiger un mémoire sur les possibilités des diverses armées et sur la direction générale à
donner aux opérations militaires. Le maréchal effectua un excellent travail de synthèse et fut
en mesure de mettre ce document sous les yeux du roi, le 28 mai 1812. Il en
résultait que malgré les importantes ponctions opérées à ce jour par Napoléon, les armées
françaises alignaient encore en Espagne près de deux cent dix mille hommes. Jourdan ne manquait
pas de souligner le ridicule de la situation. Les forces françaises étaient trois fois plus
nombreuses que celles de leurs adversaires mais leur éparpillement les rendait
d’autant plus vulnérables.
Il préconisait donc d’une part de mettre un terme à la division arbitraire du
royaume en cinq arrondissements tels que décrétés par Napoléon (et qu’il avait
promis de supprimer) et la centralisation des services civils sous la seule autorité du roi.
D’autre part, il recommandait la concentration de toutes les armées sous un
commandement unique qui permettrait de vaincre les Anglais. Certes, une telle décision
impliquait l’abandon momentané d’un certain nombre de provinces, mais
c’était un léger sacrifice en face du résultat escompté. Grâce à ce regroupement, il
serait possible de créer au centre un important corps de réserve prêt à se porter sur un potit
ou un autre du royaume.
Or, à peine eut-il ce mémoire entre les mains, que Joseph reçut une lettre de Berthier lui
transmettant les fameuses instructions de l’empereur qui recommandait de
« conserver les conquêtes faites et de les étendre progressivement », ce
qui était la preuve même que Napoléon ne comprenait rien à la situation. Quoiqu’il
reconnût la justesse du raisonnement de Jourdan, Joseph n’osa pas aller contre les
ordres de son frère. Il ne changea donc rien pour l’instant au système mis en
place.
*
Ayant, au prtitemps 1812, enlevé successivement les deux villes de Ciudad Rodrigo et de
Badajoz, verrous qui fermaient la frontière entre le Portugal et l’Espagne,
Wellington décida de monter une offensive dans le nord, en direction de Salamanque, puis
éventuellement de la frontière française. Il
Weitere Kostenlose Bücher