Le Maréchal Jourdan
que durerait le régime impérial
qui semblait plus solide que jamais, on ne ferait plus appel à lui.
X
RETOUR EN ESPAGNE
(1811-1813)
Entre le roi Joseph et le maréchal Soult, la mésentente avait été immédiate. Chacun méprisait
l’autre. Le maréchal tenait le roi pour un être falot, sans véritable personnalité,
ne devant sa position qu’à son frère et totalement incapable sur le plan militaire.
Le roi considérait le maréchal comme un individu sans moralité, pillard qui enlevait un peu
partout des oeuvres d’art pour enrichir ses collections et
n’ayant que trop tendance à considérer que l’argent des caisses publiques
pouvait se confondre avec celui de ses poches. Pourtant, ensemble, ils avaient conquis en 1810
l’Andalousie avec une remarquable facilité. Mais, alors qu’ils avaient
contratit la junte à fuir et à se réfugier à Cadix, Joseph, en partie pour le plaisir de
contrarier Soult, l’avait empêché de la poursuivre jusque dans cette dernière ville,
encore mal défendue, sous le vain prétexte d’organiser son entrée solennelle à
Séville.
Cela avait été une énorme faute de la part du roi, car lorsque l’armée
s’était enfin portée contre Cadix, le duc Del Parte y était entré avec ses forces, y
organisant la défense. Pourtant, à la fin de 1810, la situation semblait meilleure que jamais.
L’Andalousie était pacifiée dans le sud et, à l’est, Suchet
s’emparait une à une de toutes les places encore aux mains de la junte. Les Anglais
repliés au Portugal semblaient avoir perdu tout esprit offensif. Toutefois, les guérillas
continuaient à infester le territoire et la junte révolutionnaire, si elle voyait ses portions
de pays se réduire comme une peau de chagrin, songeait moins que jamais à négocier sa
soumission à Joseph.
À ce moment, comme voulant diminuer les pouvoirs de son frère à plaisir, Napoléon, dont on
attendait en vain la venue en Espagne, réorganisa les armées. Il y avait deux cent soixante-dix
mille hommes dans la péninsule, mais l’empereur en enleva le contrôle de la presque
totalité à son frère, ne lui laissant que quarante-cinq mille hommes, et confia les autres à
plusieurs maréchaux sous ses ordres directs, ce qui était une aberration. Soult, qui commandait
en Andalousie, se trouvait fort bien d’être éloigné du roi tout en conservant son
titre de major général, lequel ne correspondait plus à rien.
Laissé sans conseiller militaire, Joseph commit plusieurs erreurs. Il refusa à Masséna, qui
avait refoulé les Anglais jusque dans leurs retranchements des lignes de Torres Vedras, le parc
de siège que celui-ci réclamait pour attaquer ces fameuses lignes qui, en fait, étaient moins
formidables que certains se sont plu à l’écrire. Ainsi, l’année 1810 se
termina-t-elle plus mal qu’elle n’avait commencé.
1811 vit une lente mais inéluctable dégradation de la situation. Joseph, même s’il
était remonté par son entourage espagnol, trop compromis pour choisir une autre voie, jugeait
sainement de l’orientation des événements et sentait le découragement
l’envahir. Faute d’argent, il ne pouvait concrétiser aucun de ses projets
et il voyait sur le terrain les militaires perdre peu à peu les avantages acquis. Il recommença
sérieusement à songer à abdiquer et à se retirer à Mortefontaine, d’autant que sa
femme, la « reine » Julie, se refusait avec obstination à venir le
rejoindre à Madrid.
C’est dans cet état d’esprit qu’il vtit en France en
juillet 1811, prenant pour prétexte à ce voyage le baptême du roi de Rome dont il
était un des parrains. On ne sait pas avec certitude si à ce moment il rencontra Jourdan,
toujours retiré au Coudray, mais il eut, peu après son arrivée, un entretien avec son frère qui
dura plus de six heures. Joseph était alors décidé à abandonner
l’Espagne ; mais l’empereur, que cette démission
n’arrangeait pas, lui fit des promesses très précises : il allait abolir
les gouvernements militaires mis en place un an plus tôt ; tous les commandements
seraient concentrés sous les ordres directs du roi ; celui-ci se voyait conseiller
d’entrer sérieusement en négociations avec la junte de Cadix pour tenter
d’obtenir sa soumission ; le gouvernement britannique, à en croire
Napoléon qui se vantait d’avoir ouvert des
Weitere Kostenlose Bücher