Le Maréchal Jourdan
entre Soult,
Ney et Mortier, tous trois dans le nord, qu’un ordre de Napoléon, oubliant
délibérément le rôle de Jourdan, avait placés directement sous les ordres du premier. Le chef
d’état-major général était d’autant plus inquiet du déroulement des
événements, et de cette espèce de révolte des trois maréchaux, qu’il avait percé à
jour les plans de Wellesley et compris que celui-ci, après s’être replié sur
Lisbonne, entamait une manoeuvre qui, espérait-il, lui permettrait de marcher sur
Madrid et d’enlever la capitale.
Mis au courant, le roi Joseph conserva son sang-froid et renouvela sa confiance à son ami
avec d’autant plus de mérite qu’il le savait plus en défaveur que jamais
auprès de son frère. Se saisissant du prétexte que Jourdan avait pris l’habitude
d’arborer à son bicorne une cocarde rouge, couleur de l’Espagne, Napoléon
avait fait radier son nom de l’Almanach impérial de 1809. Cette brimade avait
d’autant plus affecté Jourdan que l’histoire de la cocarde était
entièrement fausse et le maréchal, qui s’y est étendu en détail dans ses mémoires,
soutient, avec de sérieux arguments à l’appui, que par ce moyen
l’empereur voulait l’obliger à passer définitivement au service de
l’Espagne en perdant la nationalité française et être ainsi débarrassé de lui.
Or, de cette situation-là Jourdan ne voulait à aucun prix et ses protestations véhémentes
demeurèrent, pour l’heure, sans effet. Mais il persévéra dans ses demandes et dut
attendre deux ans pour voir son nom reparaître enfin dans le fameux Almanach.
Mais, en cet été 1809, il avait de plus sérieuses préoccupations. Contrairement aux dires de
certains qui en faisaient courir le bruit, le déclarant fatigué et diminué, il conçut, face à
la menace que les alliés faisaient peser sur Madrid, un plan magistral. Son objectif
n’était pas de repousser l’armée ennemie jusqu’au Portugal
mais de l’anéantir. Pour le réaliser, il disposait de forces importantes. Au nord de
l’Espagne, autour de Salamanque, campait l’armée de Soult, forte de trois
corps d’armée, soit environ soixante mille hommes. À proximité de Madrid, se
trouvaient le corps de Victor, dit armée du centre, comptant vingt-deux mille soldats et celui
de Sebastiani, un peu moins important, alignant tout de même quatorze mille à quinze mille
combattants. Il y avait de plus le corps dépendant directement de Jourdan, soit encore quinze
mille hommes, et la petite garde royale très hispanisée pour répondre aux voeux de
Joseph mais qui avait, jusque-là, fait bonne figure. C’était donc un ensemble de
plus de cent dix mille hommes sur lesquels Jourdan pouvait espérer compter.
Toute la subtilité, la hardiesse et l’habileté du plan de Jourdan tenaient à ce
qu’au lieu de se porter vers la frontière pour arrêter l’envahisseur, il
voulait le laisser pénétrer assez profondément en Espagne. Sans lui permettre
d’atteindre Madrid où les forces françaises lui barreraient la route, on le
laisserait suffisamment avancer pour que les trois corps de Soult dévalant du nord viennent en
parfaire l’encerclement, ce qui permettrait d’obtenir une capitulation en
rase campagne. Mais, de leur côté, les troupes bloquant la route de Madrid devraient secontenter de faire obstacle sans prendre le risque d’engager une
bataille rangée.
Sur ce potit, Jourdan expliquait dans son commentaire que si les régiments anglais étaient
capables d’entreprendre une telle action, leurs alliés portugais et surtout
espagnols qui, lorsqu’ils étaient bien commandés, se montraient à peu près
utilisables dans la défensive, se révélaient franchement médiocres dans
l’attaque.
Lorsqu’il prit connaissance du plan de son chef d’état-major général,
le roi Joseph, encore qu’il fût obnubilé par le risque de voir sa capitale tomber
aux mains de l’ennemi, donna immédiatement son accord. Avec son sens instinctif de
la stratégie, il comprenait que la capture de l’armée anglaise était probablement la
seule chance d’étouffer l’insurrection générale qui, si elle
n’était plus soutenue par la Grande-Bretagne, s’éteindrait faute de
moyens.
Pour avoir des chances de réussir, une telle manoeuvre devait être tenue secrète.
Jourdan et le roi tombèrent d’accord pour ne
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