Le Maréchal Jourdan
représentant du roi, au départ relégué au rôle
de spectateur, avait réussi à faire accepter son souverain comme membre à part entière et, du
coup, la France mettait son armée au service de ses alliés !
Jourdan, dans la mise sur pied de guerre des unités de sa région militaire, était à son
affaire et les résultats qu’il obttit furent appréciés à Paris. Aussi, à la
mi-novembre, fut-il gratifié d’un congé pour se rendre dans sa famille. Mais la
faveur royale allait se manifester surtout à la fin de l’année d’une
manière éclatante.
Louis XVIII savait (ce n’était pas un secret) que le souhait de Jourdan était
toujours d’être créé duc comme la majorité des maréchaux, et plus précisément duc de
Fleurus, en souvenir de sa plus belle victoire. Il était hors de question que la royauté lui
décernât un titre rappelant un succès de la Révolution, et même de la Convention, mais
également, pour un certain nombre de raisons dont des questions de préséance, d’en
faire un duc. Cependant, le roi voulait lui manifester sa satisfaction et le faire accéder à la
noblesse puisqu’il y aspirait toujours. Aussi, une ordonnance du
1 er janvier 1815 le créa comte Jourdan, sans fief particulier. Le maréchal
apprécia le geste à sa juste valeur. Il avait vu Napoléon distribuer à la volée les titres de
noblesse comme autant de grades, et il était au courant du fait que les souverains capétiens
avaient, au contraire, permis à des roturiers de s’élever dans la noblesse avec
parcimonie. C’était avec raison que l’on estimait qu’un titre
comtal venu du roi valait largement plus qu’un titre ducal, cadeau de Napoléon. De
fait, trois maréchaux seulement allaient bénéficier de la générosité de Louis XVIII.
Ce fut Jourdan en 1815, puis Gouvion-Satit-Cyr et le vieux Pérignon, faits marquis le même
jour, en 1817.
Jourdan se sentit d’autant plus flatté que le neveu du roi, le duc
d’Angoulême, prit la peine de venir en personne lui remettre les lettres patentes
qui le consacraient gentilhomme. La cérémonie eut lieu à Évreux, dans la première quinzaine de
janvier 1815. Le maréchal eut le bon goût de se choisir les armes les plus simples
possibles : un écusson d’azur en forme de bouclier, chargé de ses
initiales entrelacées de sable et formant chiffre. Cette modestie fut appréciée. Les nouvelles
conditions de travail de Jourdan, la faveur dont il bénéficiait, lui convenaient parfaitement,
et il prévoyait qu’il continuerait à en jouir pendant une longue période. Peut-être
même, songeait-il, recevrait-il un commandement actif si une guerre éclatait en Europe.
Soudain, le 1 er mars, Napoléon débarqua à Golfe-Juan.
*
Dès qu’il en fut informé, Jourdan, même s’il éprouvait quelques doutes
quant à la fidélité de ses troupes à soutenir la cause royale, mit celles-ci en état
d’alerte et demanda des instructions au ministre de la Guerre. En même temps, le
10 mars, il adressait un ordre du jour à ses régiments, y évoquant « la
tentative insensée de Bonaparte », et précisant que « son entreprise
ridicule tend à livrer la patrie aux horreurs de la guerre civile », laissant
entendre qu’en quelques jours elle avorterait complètement. On connaît la suite.
Jourdan savait que la majorité des soldats étaient prêts à rallier la cause impériale et ne
marcheraient pas pour le roi. Clarke, à nouveau ministre de la Guerre, lui aussi sans
illusions, lui recommanda simplement de matitenir l’ordre dans ses régions.
Louis XVIII quitta Paris le 19 mars et gagna Lille. Napoléon arriva dans la
capitale, le 20. Le roi passa en Belgique le 23. Pendant ces quelques jours, Jourdan
s’était tenu à Rouen dans une prudente expectative, ne sachant vraiment quel
comportement adopter. Il pensait bien devoir prendre position en fonction de son titérêt
personnel autant que de ses convictions.
Il aurait pu, comme Macdonald, rejoindre puis suivre le roi et il l’envisagea un
moment. Il avait aussi la possibilité, comme Gouvion-Satit-Cyr ou Oudinot, de rentrer chez lui
et d’attendre. Il pouvait enfin se rapprocher de Napoléon dont la marche triomphale
sur Paris donnait beaucoup à penser. Celui-ci faisait courir la rumeur qu’il
agissait en plein accord avec Metternich, le chancelier d’Autriche, et que
Marie-Louise,
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