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Le maréchal Ney

Le maréchal Ney

Titel: Le maréchal Ney Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric Hulot
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Ney, ce ne serait pas de cette manière et qu’il fallait le juger, quelles qu’en soient les conséquences.
    Le jour même, il réunit ses collègues et siégea avec eux pendant neuf heures pour trouver une solution. De cette réunion totalement improvisée, sortit d’abord une convocation de la Chambre des pairs pour le lendemain. Puis devant cette assemblée où il parla tant au nom de la France qu’en celui de l’Europe, le duc lui demanda de s’ériger séance tenante en cour de justice. Emporté par son éloquence, il alla jusqu’à dire : « Il est inutile de suivre la méthode des magistrats qui accusent en énumérant avec détails toutes les charges qui s’élèvent contre l’accusé. » À l’énoncé de cette manière de procéder, que lui soufflait le gouvernement, la Chambre fut saisie de stupeur. Si les plus fanatiques des ultras applaudirent, d’ailleurs assez mollement, la majorité fit connaître par un silence glacé son indignation. Il existait en France des droits de l’inculpé et les pairs entendaient les préserver.
    Immédiatement, Richelieu comprit qu’il avait fait fausse route. Ancien gouverneur d’Odessa lorsqu’il avait été au service du tsar, il réalisa que les méthodes pratiquées en Russie n’avaient pas cours en France. Qu’à cela ne tienne ! Dans la nuit du 11 au 12, ses services bâclèrent une ordonnance qu’il présenta immédiatement à l’Assemblée, laquelle rétablissait la procédure. Rassurés, tranquillisés, les pairs acceptèrent dès ce moment de juger Ney.
    Il fut aisé de trouver un commissaire instructeur, un procureur, et d’ailleurs les candidats étaient nombreux pour remplir les fonctions de l’accusation. C’étaient pour la plupart des magistrats qui tenaient à faire oublier le rôle qu’ils avaient joué sous l’empire et à se mettre en bons termes avec la royauté. Il y en eut toutefois un qui descendit de plusieurs échelons dans les degrés de l’infamie : ce fut Bellard, qui joua le rôle de procureur. Il avait longtemps été le conseiller juridique du maréchal et un familier de son hôtel particulier. Il avait offert ses services à Eglé pour défendre son mari. Comme elle les avait déclinés, son admiration s’était muée en haine et il suait le fiel par tous les pores de la peau. En revanche, Dambray, qui fut élu président de la cour, se montra aussi impartial que possible.
    Ce fut dans le vieux palais du Luxembourg (l’actuel Sénat), qui lui était attribué, que la Chambre des pairs siégea en tant que tribunal. L’hémicycle se prêtait assez mal à des débats judiciaires. L’acoustique n’y était pas excellente et Berryer s’en montra mécontent, mais ne put obtenir qu’un autre lieu fût choisi. Comme le transport de Ney de la Conciergerie au Luxembourg aurait pris du temps, il fut décidé que le maréchal serait logé dans le palais, mais son transfert n’eut lieu que le 20 novembre. Là, il fut confortablement logé dans une vaste chambre donnant sur les jardins. Tout de même, les fenêtres étaient grillagées.
    Le gouvernement estimait que les choses n’avaient que trop traîné et les débats s’ouvrirent devant la Chambre des pairs dès le 13 novembre. Trente-trois pairs, et non des moindres puisqu’on y comptait Talleyrand, Augereau et le duc d’Orléans, réussirent à se trouver des excuses, ne voulant pas tremper dans ce qu’ils nommaient un assassinat. Il en restait cent soixante et un.
    D’entrée, Bellard demanda à l’Assemblée de faire preuve de sévérité et de célérité pour punir un crime « aussi atroce » et alla jusqu’à affirmer que, depuis le début de la première Restauration, Ney n’avait cessé de comploter pour le retour de l’usurpateur !
    Trop de zèle nuit. Les pairs étaient d’accord pour juger Ney et même un certain nombre d’entre eux pour le condamner. Mais ils entendaient que les formes fussent respectées. Ils se considéraient comme des juges, non comme des bourreaux, et voulaient que les droits de la défense soient préservés. Précisément parce que des voix étrangères désiraient les voir se hâter, ils se montrèrent décidés à examiner tranquillement les faits. L’un d’eux, peut-être plus agacé que ses collègues, lança un bon mot qui fit fureur dans Paris : « L’éloquence est un bel art, mais Bellard n’est pas l’éloquence. »
    Bref, le premier réquisitoire du procureur tomba à plat, et l’Assemblée

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