Le maréchal Ney
après avoir chaudement félicité en public les deux principaux artisans de la victoire : Richepanse et Ney. À présent, seul le mauvais temps persistant freinait l’avance française. Mais, le 25 décembre, un armistice était signé à Steyer, qui arrêta le mouvement de Moreau.
Deux mois après, c’était la paix de Lunéville. En attendant, l’armée victorieuse campait sur le terrain et en profitait largement. Elle vivait grassement sur le pays et festoyait aux frais de l’habitant. Les blondes Bavaroises ne se montraient pas cruelles aux vainqueurs. Pendant cette période d’euphorie, Ney trouva le moyen de se brouiller avec Lahorie, chef d’état-major de Moreau. Ce personnage austère et froid approuvait peu la manière dont certains régiments se comportaient. Il le dit et Ney, qui estimait que ses hommes avaient bien gagné le droit de se payer sur les vaincus, le prit mal. Cette querelle eut une conséquence : elle contribua à éloigner Ney de Moreau.
*
Il y avait au moins une personne à qui la victoire de Hohenlinden avait porté ombrage. C’était Bonaparte. Elle faisait de Moreau le véritable triomphateur de la campagne. Grâce à lui, les Autrichiens avaient demandé la paix et sa popularité était en train d’éclipser celle du premier consul. D’ailleurs, les généraux de l’armée du Rhin, faisant corps avec leur chef, ne voyaient pas d’un bon oeil la tournure que Bonaparte était en train de donner au gouvernement de la France pour son profit personnel. Ils se proclamaient républicains. Mais pour eux, ce mot avait un sens très particulier : ils ne voulaient pas d’un régime politique aux mains de civils, des « avocats » qu’ils jugeaient en bloc incompétents et corrompus. Ils rêvaient plutôt d’une démocratie autoritaire et militaire, même si ces termes dans leur sens strict étaient parfaitement contradictoires.
Ils y tiendraient le haut du pavé, dicteraient leurs lois à l’Europe et puniraient traîtres et crapules de l’intérieur. Avec cela violemment anticléricaux et antimonarchistes, choqués par le rapprochement que Bonaparte esquissait avec l’Église, ils n’avaient au fond que des idées vagues sur la façon dont se gouverne un État. Il n’empêche que, s’appuyant sur leurs divisions, ils représentaient une force avec laquelle il fallait d’autant plus compter qu’elle était victorieuse.
Sans se désolidariser de ses camarades, Ney s’intéressait assez peu à la politique. La paix revenue, il regagna au printemps 1801 sa chère Malgrange et y retrouva son père. Il avait renvoyé en Allemagne la jeune fille avec qui il avait vécu et pendant des heures les deux hommes échangèrent leurs impressions sur les campagnes auxquelles ils avaient participé.
Cependant Bonaparte, désirant couper court à toute velléité d’opposition, avait commencé par relever de leur commandement, presque sans motifs, tous les généraux de l’armée du Rhin : Grouchy, Jourdan, Grenier, Baraguey d’Hilliers, Richepanse, Lecourbe se retrouvèrent tous sans affectation. Lecourbe sera le plus touché, car il restera sans emploi pendant tout l’Empire, malgré d’indéniables qualités. Bonaparte s’en fit un solide ennemi. Certains autres furent envoyés à Saint-Domingue ou à la Guadeloupe. Quelques-uns furent expédiés momentanément dans leur famille. Ney semblait oublié à la Malgrange. Il courtisait une écuyère lorsqu’il reçut en avril 1801 une surprenante convocation de Berthier, chef d’état-major de Bonaparte et ministre de la Guerre.
C HAPITRE III
UNE PRÉSENTATION ET UN MARIAGE
(1801-1805)
Le général Alexandre Berthier, fanatiquement dévoué à son maître et soucieux d’écarter tout ce qui pourrait porter ombre à sa personne, avait un problème. Bien sûr, il y avait Moreau et son clan, mais de ceux-là, Bonaparte faisait son affaire. Il avait à résoudre une question beaucoup plus délicate. Un personnage, sans peut-être qu’il s’en rendît compte lui-même, était en train de grandir plus qu’il n’était concevable aux côtés du premier consul. Populaire dans l’armée, excellent général et ayant montré qu’un changement d’opinions politiques ne le gênait nullement, il avait en outre l’avantage d’avoir épousé une soeur du général Bonaparte, ce qui le rendait pratiquement intouchable. Ce cavalier hors pair paraissait irremplaçable à la tête des escadrons de l’armée qu’il maniait
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