Le maréchal Ney
fonctions (28 mars 1799).
Bonaparte était parti en Égypte et les puissances européennes, subventionnées par la Grande-Bretagne, avaient noué une nouvelle coalition contre la France, jugée dangereuse.
Quoique l’absence de Bonaparte n’en fût nullement la cause, les armées républicaines furent battues aussi bien en Allemagne qu’en Italie. Elles durent se replier à l’intérieur des frontières pour empêcher une invasion. Dans cette situation quasi désespérée, un homme joua un grand rôle : André Masséna. Ce Niçois, qui avait débuté dans la vie comme contrebandier, était un excellent stratège et un fin tacticien, un des meilleurs dont disposait la France.
Il avait concentré ses troupes en Suisse aux environs de Zurich. Par son service des renseignements, il avait appris que le haut commandement allié tenait pour des raisons politiques à effectuer un chassé-croisé : remplacer en Italie son armée russe victorieuse par une autrichienne descendant du nord, et faire remonter celle de Souvorov en Allemagne. Ce mouvement de rocade devait obligatoirement s’effectuer par la Suisse et le plan de Masséna consistait à profiter de l’occasion pour battre successivement les forces ennemies. Afin d’augmenter ses chances, il demandait chaque jour des renforts que le Directoire, conscient du péril, lui envoyait. D’Allemagne, où pourtant la situation était mauvaise, il reçut plusieurs régiments ainsi que des officiers, dont le général Ney.
La première rencontre de ces deux hommes, appelés à combattre plusieurs fois côte à côte, se déroula plutôt bien. Masséna avait déjà un passé victorieux et Ney était précédé par des exploits. Toutefois, le général en chef ne pensait pas, étant donné la nature montagneuse du terrain, pouvoir utiliser le nouveau venu pour mener ces raids de cavalerie dont il avait le secret. Il lui confia donc une division d’infanterie, responsabilité nouvelle pour Ney.
En même temps, il ne lui cacha pas que dans la manoeuvre qui se dessinait le rôle qu’il aurait à jouer serait primordial. Il devait défendre la ville de Winterthur contre une colonne de quinze à vingt mille Autrichiens, afin de les empêcher d’effectuer leur jonction avec les Russes. Pour remplir cette mission, Masséna, toujours à court d’effectifs, ne put lui donner que trois mille hommes et un peu d’artillerie.
Avec sa conscience habituelle, Ney se mit à l’ouvrage. Il était hors de question pour lui de prendre l’offensive avec une telle disproportion de forces. Il occupa donc Winterthur et s’y retrancha solidement puis attendit l’ennemi. Son intention n’était toutefois pas de résister d’une manière passive, mais de briser l’élan des assaillants par de petites contre-attaques limitées. Ce fut en conduisant personnellement l’une d’elles qu’il eut de nouveau son cheval tué sous lui et reçut une balle dans la cuisse. Cela ne l’empêcha pas de continuer à exercer son commandement. Un peu plus tard, alors qu’il s’exposait pour donner l’exemple à ses hommes, il fut frappé par un second projectile, au poignet cette fois. Il lui devint alors impossible de poursuivre. Transporté à Zurich, il ne put participer à la phase finale de la victoire. Les médecins jugèrent ses blessures suffisamment graves pour le renvoyer momentanément chez lui.
Les adieux de Masséna manquèrent de cordialité. Certes, il rendait hommage au courage de Ney, mais estimait qu’avec son grade et les responsabilités qui lui avaient été confiées, il eût été plus avisé de demeurer un peu en arrière pour diriger l’ensemble de la bataille. Cette mésentente entre les deux hommes aurait, beaucoup plus tard, des conséquences.
Depuis qu’il était devenu général, perdant quelque peu de sa rigidité morale, Ney comme ses camarades s’était servi sur le dos des pays ennemis. Simplement, au lieu de dépenser ses gains, il avait su les économiser et quelques mois avant d’aller en Suisse s’était acheté un petit domaine aux environs de Nancy : la Malgrange. Il y avait déjà installé son père. Pierre Ney, veuf, vieilli, ayant perdu son fils aîné, avait liquidé son affaire de Sarrelouis (devenue Sarrelibre) et ne se fit pas prier pour venir chez son illustre cadet dont il était particulièrement fier. Le général y arriva avec sa compagne du moment, une jeune Allemande qu’il avait rencontrée aux environs de Frankenthal en
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