Le maréchal Ney
donc arrêtées pendant près de trois mois. Le cabinet de Vienne, jugeant que Kray manquait de pugnacité, le releva de son commandement et le remplaça par l’archiduc Jean, l’un des meilleurs généraux autrichiens. Celui-ci commença par concentrer son armée austro-bavaroise devant Munich. Son idée était de déborder par un large mouvement circulaire la droite française, dans un premier temps de l’anéantir, puis de se jeter sur le reste de nos forces. Sûr de lui, il déclara à son état-major :
— Je veux que sous quinze jours les Français soient tous de l’autre côté du Rhin.
Assez simple, son plan était réalisable, mais Moreau, dont le service de renseignements fonctionnait très bien, en eut connaissance.
Se jugeant prêt, l’archiduc rompit l’armistice le 28 novembre. Des négociations de paix assez mollement menées n’avaient donné aucun résultat positif et justifiaient la reprise des hostilités. Plus de deux mois s’écoulèrent, sans grands mouvements de part et d’autre. Un hiver précoce aurait pu amener une suspension des opérations. Il n’en fut rien.
Le 2 décembre au matin, Moreau réunit un conseil de guerre. Il pensait tomber sur les Autrichiens déjà en marche vers la plaine de Munich. Mais, prenant la parole, Ney conseilla de les attendre dans la forêt de Hohenlinden qu’ils devraient obligatoirement traverser. Ce massif assez touffu et difficilement pénétrable n’était franchi que par une bonne route capable de porter les charrois. Les autres passages, plutôt des layons, ne permettaient la progression que de forces légères. De plus, en restant camouflée dans la forêt, l’armée française ne se dévoilant pas serait en mesure d’attaquer où et quand elle voudrait. Ney préconisa un dernier dispositif : malgré les difficultés du terrain, l’artillerie devrait être mise en batterie en demeurant sous-bois. Ainsi ne pourrait-elle être repérée lorsqu’elle ouvrirait le feu.
Comprenant tout l’avantage qu’il serait à même d’en tirer, Moreau se rallia immédiatement au plan de Ney. Son côté insolite lui plut, même si les autres généraux se montrèrent un peu inquiets à l’idée de livrer un combat d’un type si nouveau.
Les divisions françaises prirent donc position dans la forêt et laissèrent le gros de l’armée ennemie s’y engager profondément. Il faisait un temps épouvantable, la neige tombait à gros flocons. Constatant un flottement dans la colonne ennemie, Moreau pensa que Richepanse, chargé de tomber sur l’arrière-garde pour couper sa retraite, avait attaqué. Ce général, surnommé plus tard le Murat de la Révolution, avait sous ses ordres des unités d’élite, dont une brigade composée des 1 er et 2 e chasseurs à cheval. Il allait répétant qu’avec le numéro 21, il gagnait partout.
Avec sa fougue habituelle, il s’était jeté sur l’ennemi qui ne l’attendait pas, y provoquant un commencement de panique. Il pouvait être neuf heures. Moreau ordonna alors à Ney, que soutenait Grouchy, d’enfoncer l’avant-garde qui se présentait à la sortie de la forêt. Sans peine, il l’y refoula et continua à sabrer tout ce qu’il rencontrait. Il jeta les Autrichiens dans une confusion affreuse. La neige qui mouillait la poudre empêchait les Autrichiens de tirer. Entassés sur la route, ils ne pouvaient se déployer, pendant qu’au centre, s’infiltrant par les nombreuses clairières qui coupaient les sous-bois, les bataillons d’infanterie français les abordaient à la baïonnette. Ce fut rapidement une déroute et un « sauve-qui-peut ». Traversant l’armée ennemie de part en part, Ney et Richepanse tombèrent en riant aux éclats dans les bras l’un de l’autre.
Lorsque vers quatre heures le jour tomba, le bilan des pertes autrichiennes était impressionnant : huit mille tués, douze mille prisonniers, toute l’artillerie, cent pièces et les deux cents fourgons de bagages enlevés que les Français pillèrent joyeusement. Les Autrichiens étaient anéantis. À peine dix mille hommes s’étaient-ils échappés et erraient dans la forêt, certains traqués par les loups. L’archiduc Jean en fuite avait manqué d’être pris, mais son état-major avait eu moins de chance que lui. Le désastre était complet. C’était la première grande bataille dans laquelle Ney jouait un rôle important.
Plus aucun obstacle ne se dressant devant lui, Moreau reprit sa marche sur Vienne
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