Le maréchal Ney
Mme Campan de l’autre, montra que tous travaillaient activement à la concrétisation du projet. Une nouvelle entrevue fut donc organisée, presque au corps défendant des intéressés. Entre-temps, la tentative contre Bonaparte avait échoué.
Cette fois, Ney, dûment chapitré (on ignore par qui), y parut vêtu à la dernière mode, les cheveux coupés « à la titus », les favoris rasés (mais il les laissera bientôt repousser), de surcroît en civil. Lorsqu’il le voulait, il pouvait se montrer brillant causeur. « On » le trouva bel homme, intéressant. Toutefois, Eglé hésitait encore. Il avouait treize ans de plus qu’elle et, même à cette époque, c’était beaucoup. Son père, ses soeurs, sa tante et son amie Hortense faisaient pression sur elle. Ney revint régulièrement au château de Grignon.
Désireuse de brusquer l’événement, Joséphine adressa fin mai de son propre chef une demande en bonne forme à Pierre-César Auguie, se disant mandatée par Ney qui semblait s’être fait une raison. La jeune fille fit encore attendre sa réponse près d’un mois. Une anecdote charmante et peut-être fausse veut qu’un visiteur ayant raconté devant elle les exploits de Ney dans une bataille, il précisa que le général y avait eu sept chevaux tués sous lui. Treize, aurait rectifié la jeune fille, montrant enfin l’intérêt qu’elle portait à celui à qui on la destinait. Treize chevaux en un seul combat, c’était tout de même beaucoup, ou alors il se serait un peu vanté. Toujours est-il que, sautant sur l’occasion, M. Auguie envoya une réponse favorable à Joséphine.
Dès lors, l’affaire fut menée rondement. Le contrat de mariage fut signé le 27 juillet 1802, en présence du premier consul, qui officialisait ainsi l’admission de Ney dans la clique Bonaparte. Pourtant, entre les deux hommes, il ne devait jamais y avoir ces liens de profonde amitié qui existèrent entre Napoléon et certains de ses maréchaux. L’empereur utilisa les compétences du Lorrain et sut le payer généreusement. Mais il n’y eut pas cet attachement puissant que certains auraient voulu voir se nouer.
C’est que Ney avait un caractère trop indépendant, une trop forte personnalité pour se lier aveuglément à un autre homme. Il avait des coups de coeur, mais pas davantage. De même qu’il avait servi puis quitté sans regrets excessifs Kléber, Hoche ou Moreau, de même le jour où il le jugera fini il abandonnera Napoléon, entraînant dans sa défection des camarades hésitants. Talleyrand, fin psychologue, dira :
« L’empereur n’aimait que ceux qui croyaient en lui et Ney avait perdu la foi. »
L’avait-il vraiment et sincèrement eue un seul instant ?
La dot qu’apportait Eglé n’était pas considérable : cinquante mille francs en espèces, un trousseau évalué à douze mille francs et le quart d’une maison à Saint-Domingue, estimé cinq mille francs. Encore, avec les événements qui se déroulaient dans l’île, l’avenir de la maison pouvait être sujet à caution. Ney était presque davantage à l’aise puisqu’il possédait douze mille francs, et la Malgrange estimée à quatre-vingt mille. Tous deux espéraient que le premier consul leur donnerait des occasions de s’enrichir.
La fête donnée en l’honneur du mariage eut lieu au château le 5 août 1802. Les époux furent civilement unis à la mairie de Thiverval. Le mariage religieux – le Concordat était signé depuis un an – fut célébré dans la chapelle du château. Tout de même, Ney qui, peu auparavant, partageait sans nuances les opinions de ses camarades de l’armée du Rhin, dut se sentir quelque peu mal à l’aise. Si la réception se déroula dans une semi-intimité, les invités, à commencer par les témoins, étaient de choix : Savary, aide de camp et exécuteur des basses oeuvres du premier consul, Isabey, peintre quasi officiel, Hortense de Beauharnais et le banquier Gamot, beau-frère d’Eglé. Mme Campan avait réglé les détails des festivités avec son talent et son sens de l’organisation habituels. Tout fut parfait, la mariée ravissante, le marié rutilant en grande tenue et la comédie que les invités improvisèrent dans le parc charmante.
Mais les Bonaparte ne l’honorèrent pas de leur présence, et Ney en fut quelque peu vexé. Son père lui non plus n’avait pas daigné se déranger. Il trouvait ce mariage avec une jeune personne qui ne lui avait même
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