Le maréchal Ney
la Calle Mayor. Or, le lendemain, les alliés apprirent que Soult et son armée dévalaient du nord avec l’intention de tomber sur leurs arrières. Wellesley qui, pour sa « victoire », allait être fait lord Wellington, comprit le danger auquel il s’exposait. Sans honte, il reprit la route du Portugal en passant par le sud.
Durant cette marche, Ney n’avait pas fait preuve de beaucoup de célérité. Il resta plutôt en arrière de ses camarades, car il ne voulait toujours pas admettre d’être subordonné à Soult. Ce fut celui-ci qui, tout aussi excédé des refus continuels de Ney, écrivit le 18 septembre au roi Joseph en le mettant en quelque sorte en demeure de choisir entre les deux maréchaux. Bien embarrassé, le roi invita Ney à Madrid et crut habile de lui offrir le commandement du corps de Victor, qui ne dépendait pas de Soult. Mais Ney eut une curieuse réaction. Il se déclara sentimentalement attaché à « son » corps d’armée qu’il commandait depuis 1805 et ne pas vouloir le quitter. D’ailleurs, il aurait eu l’air d’avoir peur de son camarade. C’était pour lui inadmissible.
Alors Joseph se résigna à le renvoyer en France, laissant à son frère le soin de débrouiller l’imbroglio. Sa proposition n’aurait du reste servi à rien, car l’empereur, par décret en date du 26 septembre, avait nommé Soult major général de l’armée d’Espagne. Le 4 octobre, Ney monta donc en voiture pour rentrer à Paris et confia en son absence le commandement du sixième corps au général Marchand. Ney lui avait recommandé de n’entreprendre jusqu’à nouvel ordre aucun mouvement offensif. Mais ayant appris que le duc del Parque réunissait des hommes – on ose à peine écrire des troupes – sous Ciudad Rodrigo, Marchand décida de l’anéantir et le rencontra le 18 octobre à Tamanes. Une fois encore, la bataille fut incertaine. N’ayant pas été écrasés, les Espagnols crièrent victoire. Le bruit en parvint aux oreilles de Napoléon. Ce fut à ce moment que, l’ayant un peu fait attendre, l’empereur reçut Ney. L’accueil fut glacial. Le maréchal se vit reprocher d’avoir abandonné son poste sans autorisation, alors qu’il était parti sur ordre exprès du roi Joseph. Il le fit remarquer, mais Napoléon balaya d’un geste l’argument : depuis quand obéissait-on à Joseph ? Sans rien vouloir entendre de ses plaintes, doléances et commentaires sur la situation des Français en Espagne, Napoléon lui ordonna de retourner à la tête du sixième corps, où sa présence était nécessaire.
Le maréchal s’inclina, mais, avant de quitter Paris, il se sépara de manière peu élégante de Jomini. Il lui donna par écrit rendez-vous à Bayonne. Jomini se présenta au ministère,
comme le voulait l’usage. Et malgré les assurances de Ney, il apprit de la bouche de Clarke que le maréchal avait, depuis quatre jours, un autre chef d’état-major. Outragé et furieux, Jomini partit en claquant la porte et se retira chez lui dans le canton de Vaud. Et il s’empressa d’offrir son épée au tsar. Sa réputation n’était plus à faire. C’était une recrue de choix pour l’armée russe alors en pleine reconstitution. Mais Alexandre se souciait peu en ce moment de se quereller avec Napoléon pour un sujet aussi mince, et Jomini en fut quitte pour ses avances.
*
Tout l’hiver 1809-1810, Ney demeura à Salamanque. Il y mena cette guerre épuisante et lassante contre les guérillas, toujours vaincues, toujours en fuite, toujours renaissantes, jamais écrasées. Seule et sans appuis extérieurs, l’armée française aurait fini par en venir à bout, mais chaque fois qu’il fallait concentrer ses corps d’armée contre les Anglais, les guérilleros relevaient la tête. Tout était ensuite à recommencer. C’est en Espagne que Ney avait appris la victoire de Wagram puis peu après le divorce de Napoléon. Cette annonce constitua un coup dur pour les Ney.
Au printemps 1810, une nouvelle tentative de conquête du Portugal semblait probable. Il fallait en finir avec les Britanniques et l’empereur avait annoncé qu’il viendrait en personne commander ses armées. Mais la terre espagnole ne l’inspirait guère. De toute manière, l’invasion du Portugal nécessitait comme opération préliminaire la prise de plusieurs forteresses sur la frontière, encore aux mains des rebelles espagnols. L’une d’elles, la plus importante, était Ciudad Rodrigo. Une
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