Le maréchal Ney
lettre de Soult invita Ney à se mettre en mouvement pour assiéger la ville en février 1810. Il obtempéra, mais sans enthousiasme. Il ne disposait pas d’un parc de siège, et Joseph, à qui il s’adressa pour en obtenir un, ne répondit même pas. Ce souverain libéral prétendument occupé à travailler au bonheur de son peuple avait mille autres soucis en tête.
Le maréchal parut donc devant une place construite sur un plateau escarpé et défendue par des falaises abruptes. Utilisant les vieux procédés qui lui avaient si bien réussi en Allemagne, Ney somma le gouverneur don Andres de Herrasti de se rendre. Mais cet Espagnol était d’une autre trempe que les Prussiens et répondit poliment par un refus tranquille. Aucun assaut n’était envisageable sans une préparation minimale et Ney, pestant, revint à Salamanque. Ce fut là qu’il apprit en avril que l’empereur ne viendrait pas cette année et qu’il avait désigné pour le remplacer au commandement de l’armée du Portugal le maréchal Masséna.
C’était un excellent choix. On a prétendu par la suite que Masséna était vieilli et fatigué. Or il avait à peine cinquante-deux ans. Certes, il avait traîné ses bottes sur de nombreux champs de bataille. Mais c’était justement lui qui avait sauvé la France de l’invasion à Zurich en 1799 et permis plus récemment à Essling, par sa résistance acharnée, que la bataille ne tournât pas au désastre. Bon stratège, excellent tacticien, fin manoeuvrier, il demeurait un des meilleurs maréchaux de l’empire et semblait tout à fait capable de remplir la mission qui lui était confiée. Pourtant, il l’accepta sans ardeur. Il savait qu’avoir sous ses ordres des camarades aussi difficiles à manier que Ney ou Junot ne serait pas une partie de plaisir et Napoléon dut le cajoler pour qu’il acceptât de partir.
Les deux maréchaux se rencontrèrent le 15 mai à Salamanque. Ney se rappelait seulement qu’il avait servi sous les ordres de Masséna en 1800 et qu’ils s’étaient séparés plutôt en froid. Il lui déplaisait de se retrouver une fois de plus en sous-ordre. D’emblée, les critiques fusèrent de sa part. Ney lui reprochait de se déplacer avec sa maîtresse déguisée en officier. Masséna, de son côté, faisait grief à son camarade de faire preuve d’une impétuosité excessive et de vouloir se jeter sur les Anglais sans avoir réuni toutes les conditions nécessaires au succès. Ney répliquait qu’à faire preuve de prudence excessive, on perdait toutes les occasions d’assurer la victoire. Ce fut donc de très mauvaise grâce que Ney accepta cette nouvelle subordination.
Les Anglais reconnurent qu’avec la nouvelle armée française l’équilibre des forces avait basculé en leur défaveur : vingt-cinq mille hommes (ils comptaient toujours pour rien leurs alliés) contre plus de soixante milles. Ils adoptèrent une attitude prudente et attendirent l’offensive française, espérant que les deux forteresses de Ciudad Rodrigo et d’Almeida les retiendraient jusqu’à la fin de l’été. Mais, avec Masséna, le temps de la nonchalance était passé.
Lorsqu’il était parti de devant Ciudad Rodrigo, Ney avait laissé sur place un petit corps, de l’ordre d’une division, pour ne pas donner l’impression d’avoir abandonné la partie. Il était revenu avec les forces nécessaires en avril et, dès le 25 de ce mois, avait ouvert la tranchée. À présent, il activait les opérations, mais la nature du terrain rendait la tâche difficile et les cheminements avançaient lentement. Cependant l’armée anglaise, si elle se contentait d’observer le siège, demeurait à proximité, prête à profiter d’une éventuelle occasion pour secourir la ville. Mais ni Masséna ni Wellington ne souhaitaient pour le moment livrer bataille sur un terrain trop défavorable. Comprenant que l’ennemi ne bougerait pas, Ney fit tenir à Herrasti un message lui annonçant que la ville ne serait pas secourue. Celui-ci se hâta d’expédier une lettre aux Anglais pour demander des secours, mais, fidèle à sa tactique, Wellington ne bougea pas. Comme l’Espagnol continuait à vouloir résister, le maréchal fit déclencher le 9 juillet un terrible bombardement. La contrescarpe sauta. Une brèche était enfin ouverte. Les colonnes d’assaut se préparaient à entrer dans la ville, lorsque le gouverneur fit hisser le drapeau blanc. Ney accorda les honneurs de la guerre
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