Le maréchal Ney
rapidement, mais elles avaient été éprouvées par la campagne de 1812 et auraient eu besoin de se refaire. À l’inverse de la formation française, c’étaient de vieilles troupes déjà entraînées, ayant reçu le baptême du feu. Toutefois, les alliés ne pouvaient mettre en ligne qu’un peu plus de cent soixante mille hommes.
Ney quitta Paris dans le courant de février pour prendre le commandement du premier corps dit « d’observation du Rhin », qui devint bientôt le troisième corps, avec six divisions, dont deux allemandes. Le maréchal n’avait pas le moral et il n’était pas le seul. S’entretenant avec des camarades des difficultés qui les attendaient, il constata qu’eux aussi considéraient l’issue de la prochaine campagne comme incertaine. La revue qu’il passa de ses régiments ne fit que conforter ses impressions défavorables. Il savait que Savary, fidèle entre les fidèles de Napoléon, avait conjuré l’empereur de signer la paix à tout prix et que celui-ci ne l’avait pas écouté. La situation économique à l’intérieur du pays était préoccupante et, par les rapports qu’il recevait des Coudreaux, Ney en était informé.
Comme Murat ou Berthier, il commençait à estimer que « le lion était mort ». Il pensait qu’une paix, même bâclée, permettrait de gagner du temps et sauverait peut-être le régime. Or le 17 mars, déjouant tous les pronostics, la Prusse déclara la guerre à la France. C’était le coup d’envoi d’un conflit qui deviendrait fatal au pays.
La concentration de part et d’autre s’effectua plutôt lentement. Napoléon ne partit à l’armée que le 15 avril. Il était décidé à tenter une marche sur Berlin. Le 18, Ney qui avançait sur Erfurt demanda à Berthier, puis à son ami Bessières, un renfort de cavalerie. Il n’avait qu’une brigade à deux régiments incomplets à sa disposition et les jugeait tout à fait insuffisants pour assurer son service d’éclairage. L’armée entra en contact avec l’ennemi le 29 et le 30 avril, lorsque le troisième corps traversa la Saale. Ney enleva le gros bourg de Weissenfeld et son corps devint le pivot de l’armée. Le surlendemain, 2 mai, fut livrée la bataille de Lûtzen.
La mission de Ney était assez simple. Il devait tenir à tout prix face aux attaques prussiennes, afin de permettre à Napoléon d’envelopper une aile de l’adversaire et de l’acculer aux monts de Bohême. Malgré un ennemi déchaîné, le prince de la Moskowa, d’ailleurs étonné de la belle tenue au combat de ses conscrits, ne recula pas d’un pouce. Se portant sans arrêt sur la ligne de feu, il fut blessé d’une balle à la jambe droite. Seulement, l’empereur manoeuvra trop lentement. Il ne put utiliser judicieusement sa réserve de cavalerie dont le chef, Bessières, avait été tué la veille aux côtés de Ney. Lorsqu’ils comprirent ses intentions, les Prusso-Russes se dépêchèrent de décrocher. Lûtzen était une victoire française, mais la destruction de l’ennemi restait à faire.
Le chef d’état-major de Ney, le général Gouré, fut tué à Lûtzen. L’empereur n’avait qu’une confiance limitée dans les capacités stratégiques du duc d’Elchingen pour mener des opérations offensives. Malgré ses pertes récentes, il lui réservait un rôle primordial dans la suite des opérations et se dépêcha de lui envoyer Jomini pour remplacer Gouré. Depuis le retour de Russie, les deux hommes, sans être réellement en mauvais termes, se battaient froid. Les insinuations renouvelées d’Eglé, qui ne pouvait pas souffrir le Suisse, n’y étaient pas étrangères. Et puis Ney n’aimait pas trop qu’on lui imposât des collaborateurs qu’il n’avait pas choisis. Néanmoins, une fois encore, le tandem fut remis sur pied.
Napoléon avait remanié son dispositif, articulant ses forces en deux armées. Celle qu’il confia à Ney comptait quatre-vingt mille hommes. Elle reçut pour objectif de faire semblant de marcher sur Berlin puis de crocheter pour se rabattre dans le dos des adversaires.
À peine vingt jours séparèrent deux victoires de Napoléon. Or la distance entre les deux localités, Lûtzen et Bautzen, est d’environ deux cents kilomètres. Et Bautzen se trouve très à l’est en Allemagne, largement au sud-est de Berlin. C’est dire – on a le grand tort de ne pas insister sur ce point – la formidable pression à laquelle les Français soumirent leurs
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