Le maréchal Ney
importantes.
La retraite des vaincus s’opéra en assez bon ordre. Napoléon estima qu’il ne disposait pas de la cavalerie suffisante ni d’un chef comme Murat pour lancer une poursuite rayonnante, comme après Iéna. Il possédait en réalité la cavalerie et quant à son commandement il eût pu le confier à Ney, tout à fait capable de réussir une telle opération. Du fond de son royaume, Murat se faisait tirer l’oreille pour rallier la Grande Armée. Et les généraux français reconnaissaient qu’à force de prendre des raclées, « ces bougres-là » (les Prussiens et les Russes) avaient fini par apprendre leur métier !
Ils n’en étaient pas moins vaincus et repoussés jusqu’aux frontières de la Pologne. Devaient-ils continuer à reculer comme en Russie l’année précédente ? Il était peu probable que les Français se laisseraient attirer une nouvelle fois dans l’immensité des steppes russes. Les alliés étaient profondément découragés. Au cours de ces deux rencontres, leurs pertes avaient été beaucoup plus importantes que prévu. Ils avaient cru venir aisément à bout de Napoléon. Or celui-ci semblait redevenu aussi puissant qu’au début de 1812. Ils sollicitèrent donc un armistice dans les premiers jours de juin et, à leur grand étonnement, l’empereur le leur accorda.
Tous en avaient besoin : Napoléon pour faire venir renforts et munitions ainsi que de la cavalerie stationnée en Espagne, les alliés pour accélérer le resserrement de leur alliance et permettre à l’Autriche, espéraient-ils, de rejoindre leur camp.
Or si celle-ci se préparait à un conflit, elle ne se hâtait pas. Metternich, son chancelier, véritable tête du gouvernement, fâcheusement impressionné par les récentes défaites des alliés, affrontait également des difficultés économiques. De ce conflit il ne tirerait, il le sentait, qu’une victoire surtout morale. Et quoiqu’il n’y crût qu’à demi, il considérait que s’il parvenait à un accord avec Napoléon sur une paix de compromis, ce serait tout avantage pour son empire. Les chefs de l’armée autrichienne, se souvenant encore de Wagram, l’incitaient d’autant plus à la modération qu’ils n’étaient pas du tout certains de battre les Français. Ils proclamaient que si Napoléon triomphait une fois encore, sa vengeance serait terrible.
Cette paix de compromis, Metternich n’était pas le seul à la souhaiter. Du côté français, le haut état-major en bloc ainsi qu’un certain nombre de civils (Fouché, Cambacérès, Savary) essayèrent de faire admettre à l’empereur que c’était la seule solution raisonnable.
Ils crurent un moment avoir gagné la partie, mais Napoléon, grisé par ses récentes victoires, finit par rejeter leurs avis. À l’issue de son entretien avec Metternich, le 22 juin, il repoussa en bloc les propositions pourtant raisonnables de ce dernier. L’empereur semblait ne pas se rendre compte qu’avec l’appui de la Suède et de l’Autriche, c’était une force de plus de quatre cent mille hommes qu’il allait devoir affronter alors qu’il n’en alignerait qu’entre cent cinquante et deux cent mille. On comprend d’autant plus mal cette obstination que les nouvelles qu’il recevait étaient toutes mauvaises. Le congrès qui s’était ouvert à Prague à la suite de l’armistice piétinait. En Espagne, battus à Vitoria le 21 juin par Wellington, Joseph et Jourdan étaient en passe d’abandonner le royaume. Ce sera en vain qu’avant la fin de l’année Napoléon y renverra Ferdinand VII. Et puis Ney perdit son si utile conseiller, « son Suisse » Jomini.
Depuis la journée de Bautzen, leurs querelles suivies de réconciliations étaient quotidiennes. Ney estimait que Jomini jouait les « touche-à-tout » et se mêlait de ce qui ne le regardait pas. Il l’accusait de tout régenter à l’état-major, allant jusqu’à donner publiquement tort à son patron pour des motifs, il est vrai, assez futiles. De son côté, Jomini accumulait les griefs. On lui payait solde et indemnités avec du retard, bien qu’il ne fût pas le seul dans ce cas. Et par-dessus tout, il voulait être promu général de division. Pour sa part, Ney n’y voyait aucun inconvénient. Il y était même assez favorable. Malheureusement Berthier, qui pour des raisons mal définies en voulait à Jomini, bloquait la nomination sans mesurer la portée de son acte.
Poussé par son chef
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