Le Maréchal Suchet
fille du comte de Narbonne, furent menés assez loin sans aboutir à aucune conclusion. Suchet tout à ses amours silésiens, même s’il les savait destinés à une fin prochaine, n’éprouvait pas, pour l’heure, le désir de convoler.
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Vainqueur, Napoléon s’était montré généreux avec les chefs de son armée. Déjà, en janvier 1807, conscient des difficultés rencontrées par eux dans l’entretien de leurs troupes, il leur avait accordé une indemnité extraordinaire de trois mille francs par mois en dehors de leur solde, indemnité qu’ils n’étaient pas près d’avoir l’occasion de dépenser. Après la paix, et sans doute pour le récompenser de la manière dont il commandait le 5 e corps, Napoléon alloua à Suchet un capital de cent mille francs sous la forme d’une rente sur l’État dont le produit s’élevait à un peu moins de six mille francs par an.
Le 1 er mai 1808, l’empereur signa le décret instituant une noblesse impériale pour faire pièce à l’ancien ordre royal. La majorité des maréchaux furent faits ducs, bon nombre de généraux comtes. Suchet, qui, en même temps, reçut les décorations de chevalier de la couronne de fer et commandeur de l’ordre de Saint-Henri de Saxe, fut créé comte par décret du 19 mars. Le titre était accompagné de l’attribution d’un domaine en Westphalie (on ignore à qui il avait été confisqué). S’étendant sur quatre cent quarante-six hectares, il était d’un assez faible rapport : vingt-cinq mille francs. Suchet ne le visita jamais. Le temps lui manqua et il le perdit en 1813 lorsque, après la défaite de Leipzig, Napoléon abandonna l’Allemagne.
La paix semblant bien établie, Suchet put enfin venir à Paris, à la fin du printemps 1808. Il en était absent depuis près de trois ans. De retour à Breslau au mois d’août, il y reçut une invitation pour assister aux fêtes qui entourèrent l’entrevue d’Erfurt entre Napoléon et Alexandre. Ce fut la dernière fois qu’ils devaient se rencontrer.
À Erfurt, parmi d’autres, Suchet revit le frère de l’empereur, Joseph, qu’il connaissait depuis des années et ce fut, semble-t-il, à ce moment que le nouveau roi d’Espagne, et, surtout sa femme Julie, se mirent en tête de marier Suchet. L’idée n’était pas nouvelle mais, cette fois, Napoléon, grand marieur, consulté, trouva l’initiative de son frère intéressante. De son côté, Suchet, à qui Julie fit des avances en ce sens, se déclara attiré. C’est que la jeune fille à laquelle Julie songeait et qui était sa nièce venait d’un milieu très proche de celui du général. Son père, le baron de Saint-Joseph, maire de Marseille, était un grand négociant, armateur de surcroît, ayant depuis longtemps établi des relations commerciales suivies avec le Proche, le Moyen-Orient et même la Russie, avec laquelle il avait réussi à créer un important courant d’affaires. Fort riche, il était marié avec une des sœurs de la reine Julie et se trouvait donc allié avec une autre importante famille bourgeoise et commerçante de Marseille. Pour eux, les Suchet de Lyon n’étaient pas des inconnus. Le fait que le prétendant fût général de division ne pouvait qu’ajouter à sa position mais, aux yeux des Saint-Joseph, il était avant tout un grand soyeux de Lyon.
Ce fut toutefois à la reine Julie, parce qu’il la connaissait, que Suchet adressa sa lettre de demande officielle. Transmise aux Saint-Joseph, elle reçut immédiatement l’agrément de ceux-ci. À présent, il s’agissait de conclure rapidement car les affaires militaires de l’empereur se gâtaient en Espagne où la population s’était soulevée à l’idée de devoir accepter un nouveau monarque d’origine française, Joseph Bonaparte en l’occurrence, en lieu et place d’un Bourbon. Et les Anglais venaient de surcroît de débarquer une armée au Portugal. Suchet savait que le 5 e corps risquait d’être envoyé bientôt au-delà des Pyrénées.
Rien ne semblait devoir s’opposer à un mariage rapide. Or, une résistance inattendue vint de la jeune fille. Âgée de dix-huit ans, c’est-à-dire plus jeune de vingt ans que son éventuel futur, elle était sous l’influence de sa sœur aînée, Marie-Rose. Cette dernière était mariée au général de Saligny passablement plus âgé qu’elle. De caractère quelque peu romanesque, elle réussit à persuader sa cadette Honor ou Honorine de ne pas se prêter
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