Le Maréchal Suchet
acculé à la rivière. Dans la nuit, il la fit franchir à son corps d’armée sur les ponts de Pulstusk et se retira vers le nord en direction d’Ostrolenka par la route reliant Pulstusk à cette ville. Dans sa précipitation, il oublia de détruire les ponts. Outre un nombre important de tués, il laissait aux mains des Français deux mille prisonniers et toute son artillerie.
Mais les pertes françaises étaient également importantes. Lannes, ainsi que trois généraux, avaient été blessés. Plusieurs officiers de haut grade avaient été tués ainsi que l’aide de camp de Suchet, le capitaine Curial, tombé à ses côtés. Toujours plein de sollicitude pour ses hommes et leur entourage, lorsque un peu plus tard l’armée eut pris ses quartiers d’hiver, il écrivit une longue lettre de condoléances au père du capitaine Curial, notaire à Chambéry, dans laquelle il soulignait le comportement héroïque de son fils.
Plein de jactance et d’aplomb, Bennigsen quoique vaincu osa écrire à l’empereur Alexandre qu’il était victorieux ! Il avait battu à la fois Napoléon, Davout, Lannes, Suchet et Murat ! Quelques jours plus tard, au début de janvier 1807, Lannes, trop malade, dut abandonner son commandement et se faire hospitaliser. Tous les officiers du 5 e corps pensèrent qu’il serait remplacé, même à titre provisoire, par Suchet qui avait largement les capacités pour occuper ce poste. Or, à la surprise générale, Napoléon désigna son aide de camp, le général Savary. Celui-ci, quoique ayant fait campagne et montré son courage, s’était davantage illustré comme policier que comme stratège. Comme général, il était plutôt médiocre. Sous son commandement, le 5 e corps ne fit rien. Resté pour couvrir Varsovie face aux Russes du général Essen, il ne bougea pas davantage que son adversaire et cet intermède dura deux mois jusqu’au moment où Napoléon se décida à le remplacer par Masséna.
Le 5 e corps ne prit donc pas part à la bataille d’Eylau. Pendant les mois d’hiver, Suchet s’installa à Varsovie, sa division étant cantonnée à proximité et il n’allait être engagé dans aucune opération importante durant tout le reste de cette campagne. Mais couvrant Varsovie, il jouait un rôle capital par sa seule présence. Suchet eut donc tout le temps de courtiser les belles dames polonaises qui passaient pour ne pas se montrer farouches avec les Français. Mais on ne possède aucune donnée précise à ce sujet.
Chez les Russes, en face de lui, Essen avait été remplacé par le comte Tolstoï, peu après l’arrivée de Masséna. Quoique ses effectifs fussent, et de loin, plus importants que ceux du duc de Rivoli, il n’envisagea pas un instant de prendre l’offensive, bien au contraire ! Il éleva des fortifications de campagne sur une ligne allant d’Ostrolenka à Wiskowo sur le Bug puis y attendit l’offensive française qui devait venir se briser sur cette ligne.
De son côté, Masséna était bien trop avisé pour vouloir attaquer les Russes. Son front d’importance secondaire ne nécessitait aucune action pour terminer la guerre. Vainqueur, on ne lui en saurait aucun gré et, en cas d’échec, il aurait à en supporter les conséquences. D’ailleurs, la rigueur de l’hiver maintint à lui seul les troupes dans l’inaction. On ne signala que des activités de patrouilles, escarmouches sans importance. Mais comme la cavalerie française dont les chevaux étaient mal nourris se révéla moins mobile que les cosaques, Suchet la releva de son rôle et déploya, le long du Narew, des unités d’infanterie dans une série de petits postes qu’il fit fortifier pour être à même de mieux résister aux harcèlements des cosaques.
Le 19 mars 1807, Masséna qui avait toute confiance en Suchet le chargea d’une mission d’exploration mais en précisant qu’il devrait éviter tout engagement majeur. Suchet saisit très bien la pensée du maréchal. Il s’agissait de reconnaître l’importance et la solidité des fortifications à Ostrolenka. Le général se porta donc en avant avec deux brigades et les Russes ne lui disputèrent pas le terrain. Il s’avança jusque sous les murs de la ville et, après un échange de coups de canon, regagna sa base de départ, ayant mené à bien sa reconnaissance. Jusqu’en juin le calme revint sur ce front.
Le 15 ou le 16 juin, ayant appris la victoire de Friedland, Masséna décida de tâter son
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