Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
Vom Netzwerk:
témoin.
    — Cela allait de soi, répondit Lionel.
    Il salua le papillon jaune qui disparut parmi des tiges ligneuses et ajouta :
    — La libération d’un tel captif constituait l’offrande idéale pour une journée comme celle-ci.
    Les premières récoltes avaient produit un meilleur résultat que celui auquel on s’était attendu, compte tenu des circonstances. Très bientôt, ils allaient pouvoir s’occuper du battage, et le moulin allait enfin avoir de quoi se mettre sous la dent.
    Pour bien faire les choses, l’automne avait résolu de se montrer exubérant avant de s’endormir. Une débauche de soieries brodées d’or et d’ambre baignait encore dans la tiédeur du soleil. De l’or fondu s’écoulait goutte à goutte des arbres sous le vent d’octobre. Le champ où le trio flânait en ce dimanche après-midi était rembourré de chaume blond et parfumé. Les hautes tiges sèches des dernières plantes tardives ourlaient le bord du pré et, juste derrière, des arbres dénudés offraient aux écureuils besogneux le réseau complexe de leurs branches. À cet endroit, les chênes seuls agitaient encore avec orgueil leur châle cuivré. Quelques pins, ces sentinelles hivernales, déployaient sereinement leur uniforme vert.
    — Dites donc, vous sortez d’où, mon père ? dit la voix taquine de Blandine qui s’en revenait avec Toinot. On croirait voir un cygne maigrichon et à demi plumé.
    — Jehanne et ses asclépiades sont responsables de mon apparence discutable, ma chère fille. Ces mignonnes exploratrices aériennes craignent peut-être de prendre leur envol. En tout cas, elles semblent tenir à moi.
    Des bruits de sabots venant du chemin attirèrent leur attention. Sam se leva du tas de chaume dans lequel il venait d’enfouir Jehanne et secoua machinalement ses braies. Il y avait deux cavaliers. Une douzaine d’hommes les suivaient, au pas de course. Ils se dirigeaient en menant grand tapage vers un boqueteau qui isolait leur pré d’un second champ. Ils piétinèrent une meule avant de disparaître entre les larges fûts des premiers chênes.
    Ils ne reparurent pas de l’autre côté.
    — Dieu tout-puissant, des routiers, souffla Lionel.
    Sam enfourcha la jument et lui laboura les flancs de coups de talons inutiles.
    — Non, Sam ! Reviens ! rappela en vain le moine.
    — Que se passe-t-il ? demanda Jehanne, dont la tête dorée émergeait du tas de chaume.
    Il ne restait plus au religieux qu’une seule chose à faire : mettre Jehanne à l’abri au plus vite.
    — Je l’ignore. Venez. Venez, rentrons.
    L’urgence du ton n’admettait pas de réplique. Jehanne prit la main de Lionel et l’accompagna jusqu’à la maison sans discuter. Ils furent suivis de près par Toinot et Blandine. Le bouquet d’arbres refusa de leur révéler son secret. Mais, lorsqu’ils entrèrent dans le manoir, ils virent que Sam ne s’y trouvait pas.
    Les trois hommes s’occupaient à lier les javelles d’une fenaison tardive et à en empiler les gerbes sur une charrette (46) . Hubert, Thierry et Aedan s’étaient dit ce matin-là que le Seigneur n’allait pas leur en vouloir de travailler exceptionnellement pendant Son jour pour la bonne cause.
    — Il va pleuvoir demain, c’est moi qui vous le dis, avait annoncé Aedan. Si on ne se hâte pas de ramasser ce fourrage aujourd’hui, on va le perdre.
    Cela avait suffi à convaincre Louis, davantage que le père Lionel, que le foin devait passer avant la piété ce jour-là.
    En dépit d’une vague appréhension, Sam huma l’air avec délices. L’arôme du foin fauché, chauffé par le soleil plus rare de cette saison, n’était pas sans évoquer celui du pain. Cela avait quelque chose de sécurisant.
    — Arrête-toi, Sam, dit soudain la voix familière de Thierry. L’ancien maître d’armes était invisible à cause des jambes des étrangers qui le cachaient à sa vue. Les deux cavaliers hirsutes et barbus avaient mis pied à terre. Les autres s’étaient regroupés autour d’eux. Aucun de ces hommes à pied n’avait plus de vingt ans. Ils se mirent à discuter entre eux dans un dialecte approximatif composé d’un mélange d’anglais, de breton et d’occitan qu’ils avaient l’air de comprendre sans trop de mal. La plupart d’entre eux portaient la brigantine* et étaient armés d’épieux, de fauchards ou de houlettes sur lesquelles ils avaient assujetti un fer de vouge*. L’un d’eux possédait une feuille* en

Weitere Kostenlose Bücher