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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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diverses plantes médicinales.
    — Tout cela, mon fils, c’est pour avoir suivi mon conseil et avoir convié le village à la procession des Rogations*, avait assuré le père Lionel.
    Juillet passa sans qu’on lui prêtât l’attention à laquelle il eût été en droit de s’attendre. Août œuvra donc à le rappeler aux mémoires trop ingrates en traînant dans son sillage les senteurs surchauffées de son prédécesseur. Il laissa le vent se tarir comme un puits dont on avait trop abusé. Le ciel voilé distillait une luminosité blanche, sédative. L’atmosphère stagnante engluait la moindre feuille d’arbre. Tous les oiseaux des alentours avaient égaré leurs partitions. Après avoir effectué un petit travail à l’insu de tous, Louis, en quête de fraîcheur, avait de bon matin pris la direction de la forêt.
    Dans la partie plus sauvage de la futaie où il s’arrêta, la végétation était drue et confuse. On eût dit qu’il se trouvait à l’intérieur d’une gigantesque cruche verte aux parois de verre bosselé. Les rayons trop crus du soleil y arrivaient de façon filtrée, adoucis en une luminosité indolente. L’air capiteux y ralentissait le moindre mouvement. D’abondants moustiques, enivrés par le vin oublié au fond de la cruche, multipliaient leurs prouesses aériennes. Dans plusieurs creux ombragés, des fées avaient déroulé de grandes fougères odorantes. Leur senteur mélangée à celle des buis était lourde, ondoyante, charnelle. Louis s’étonna de l’effet grisant qu’elle produisait et s’en inquiéta un peu.
    À la fin de l’après-midi, un miel clair commença à s’écouler lentement le long des parois de la cruche géante. Il s’attarda dans certains creux et, au moment où il atteignait enfin le fond, les fougères se transformèrent en plumes lumineuses. Le silence n’eut soudain plus lieu d’être : invisible, un coucou se mit à appeler du fin fond de cette nouvelle Brocéliande*. Une délicate fougère dorée s’inclina aux pieds de Louis qui s’était arrêté pour prêter l’oreille. Il chassa de la main un moustique qui ne cessait de voler tout de travers juste devant son visage. Il se dirigea vers un tronc tapissé de mousse très verte et s’assit. Sur un gros caillou près de là, une mouche bleutée s’était posée. Elle y demeurait parfaitement immobile, comme si elle avait conscience que les rayons diffus du soleil l’avaient changée en bijou vivant. Elle luisait avec cet éclat métallisé de l’émail, à nul autre pareil.
    Après avoir fait la pause pour réfléchir un peu, le coucou reprit son chant tout près. Louis leva les yeux. C’était si tranquille. Cela faisait du bien. Il avait l’impression d’être seul au monde. Il se donna une claque sur la nuque et se regarda la main dans laquelle le moustique trop audacieux s’était étoilé. Après avoir essuyé sa paume contre ses chausses, il porta de nouveau la main derrière sa tête. Un objet rêche s’était logé dans ses cheveux. Sa main se referma dessus : c’était un mince copeau blond qui avait dû y séjourner clandestinement pendant quelques heures.
    Cela lui ramena à l’esprit le travail qu’il avait fait plus tôt. Travail complètement inutile, d’ailleurs. Il se demandait encore ce qui lui avait pris. Quoi qu’il en fût, les enfants allaient être contents de trouver leur tour coiffée de branchages et d’une partie du vieux chaume qu’il avait récupéré du toit de la maison.
    *
    Hiscoutine, automne 1360
    Un épouvantail régnait encore sur son champ dénudé dont les meules d’or, sagement alignées tout autour à distance respectueuse, reposaient placidement sous les cieux cléments de l’après-midi en attendant d’être conduites à la grange. C’étaient là les dernières de la saison. Une seule d’entre elles n’allait pas être en état pour effectuer le voyage, car elle avait fait l’objet d’une attention particulière dont elle eût fort bien pu se passer. Éparpillée et piétinée qu’elle était, il n’y avait plus grand-chose à en faire. Près de là se dressait l’épouvantail dont les haillons frémissaient sous la brise. Sa face en toile de sac souriait innocemment au cavalier qui approchait à toute allure depuis la lande rocheuse, l’air de dire : « C’est pas moi, j’ai rien fait. »
    La crinière de la jument fouettait le visage de Sam. Galvanisé par la course folle que la bête bienveillante lui avait

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