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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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pût de son mieux dégager ses voies respiratoires en crachant dans une écuelle. La toux finit par s’amenuiser, laissant le malheureux pâle et sans forces. Louis le recoucha. Plusieurs minutes passèrent avant qu’Aedan parvînt à reprendre la parole.
    — Mais voilà, ça y est, je capitule.
    Louis mit l’écuelle de côté et passa un linge frais sur le visage parcheminé. Il ne disait rien. Cela importait peu, puisqu’il n’y avait rien à dire. Il se contentait d’être là et cela suffisait. Aedan appréciait son calme. Il s’étonnait de découvrir en lui un homme doux, capable de manifester de la commisération à l’égard d’un autre. Cette constatation lui était d’un grand réconfort. Il dit :
    — J’ai cessé il y a peu de me demander pourquoi vous ne riez jamais.
    Le géant s’éclaircit la gorge et regarda ailleurs. Cela fit sourire Aedan.
    — C’est sans importance, l’ami, allons. J’ai une requête à vous faire.
    — Je vous écoute.
    — Sam. Il est… ce que j’ai de plus cher au monde. Je lui ai appris tout ce que je sais. Lui seul prendra ma suite plus tard. Soyez celui qui en fera un homme.
    — Moi ?
    — Oui. Il a besoin d’un tuteur solide et j’ai confiance en vous. Lui, en échange, il travaillera fort. Il vous donnera la musique dont vous manquez.
    Louis ne sut que dire. Comment avait-il su, ce vieil homme, que la seule musique dont il se souvenait avec quelque émoi était la voix lointaine d’Adélie flottant dans l’atmosphère irisée d’un jardinet qui n’avait jamais eu le droit d’exister ? Comment pouvait-il savoir cela alors qu’il commettait en même temps une erreur de jugement aussi flagrante ? Lui, la brute, l’ermite, fiancé à une enfant, se retrouvait de surcroît gardien d’un autre.
    — Cela ne lui plaira pas, dit-il.
    — Et alors ? C’est mon petit-fils. Son devoir est d’obéir à ma volonté.
    — Je ne connais rien aux enfants.
    — Sam vous apprendra. Et puis vous aurez aussi de l’aide. Louis se sentait pris au piège. Il n’y avait pas d’échappatoire possible. Pas avec les dernières demandes d’un mourant que l’on estimait.
    — Bon, ça va. Il restera avec moi, dit-il.
    — Merci.
    — Mais je saurai me passer de musique.
    — Pas sûr, dit Aedan.
    Il dut se reposer un moment, avant de dire encore :
    — Jehanne l’aime bien. Trop, sans doute.
    — Je l’avais remarqué.
    — Il faut me promettre que vous ne lui enlèverez jamais la vie à cause de cela.
    Le vieux renard. Il avait pensé à tout.
    — Je le promets, dit Louis.
    — Ça va être long, dit le blessé au bout d’une heure. Trop long. Son visage ruisselait. Chaque respiration lui coûtait désormais un effort extrême. Il haletait comme un noyé qui était sur le point de sombrer, mais qui refaisait sans cesse surface afin d’arracher à la vie quelques secondes de plus, quelques secondes dérisoires. Il chercha fébrilement la main de Louis. Lorsqu’il l’eut trouvée, il s’en empara et immobilisa le géant qui s’était mis à faire les cent pas. Aedan le contraignit à se pencher au-dessus de lui et il dit encore :
    — Pouvez-vous m’aider à… à…
    Seuls les yeux verts vivaient encore dans le chaos de ce combat inutile, perdu d’avance. Louis demanda doucement :
    — Vous en êtes sûr ?
    Aedan acquiesça.
    — Je n’en peux plus.
    Son regard insistant s’accrochait au visage de l’homme en noir comme à un écueil imperturbable dans une mer dont les vagues tout autour de lui se déchaînaient, lui faisant perdre tout autre repère.
    — Proprement. Que Sam n’en sache rien, dit Aedan.
    C’était justifié. Aedan avait été frappé par un autre : il n’y avait donc pas de suicide.
    Louis fit un signe d’assentiment et sa main fut libérée. Le blessé dit :
    — Appelez le moine.
    Sam tenta de se faufiler entre la porte entrebâillée et le père Lionel qui s’était tenu prêt de l’autre côté. Sans un mot d’explication, Louis plaqua une main sur la poitrine du garçon et le repoussa. Après quoi il lui ferma la porte au nez. Le bois trembla sous les furieux coups de pied que Sam eût davantage destinés à l’homme.
    Pour la seconde fois ce jour-là, le moine administra les derniers sacrements. Il oignit d’huile consacrée les mains et le front d’Aedan et il murmura les prières d’usage auxquelles l’Écossais s’efforçait de répondre lorsque c’était requis. À deux

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