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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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mit qu’une minute à dénicher sa cornemuse qu’il ramena sans avoir été intercepté par les Anglais qui en étaient à porter un toast à la fistule* du dauphin Charles.
    — Qu’elle tarisse avant ton vin, traduisit Lionel à l’intention de Louis, qui avait été invité à se joindre à eux.
    Le canal artificiel que l’héritier du trône de France portait au bras lui sauvait la vie ; le jour où il allait cesser d’évacuer les liquides intrus produits par une maladie inconnue, le dauphin mourrait.
    Quelques heures passèrent et les Anglais ne s’en allaient pas. Il fallut attendre pour cela que le vin fût entièrement bu. Ils acceptèrent de n’emporter avec eux que la vieille jument, quelques provisions sèches et la bourse de Louis, que James de Pipe avait gratifié du titre de « collègue ».
    Entre-temps, la cornemuse de Sam avait chanté pour les deux Écossais chacun des airs simples qu’elle connaissait. Elle avait meublé le silence et étouffé le bruit angoissant d’une respiration déficiente. Elle avait remplacé la voix qui ne pouvait pas raconter d’histoires. Aedan avait écouté, les yeux fermés. Mais une fois le répertoire de comptines épuisé, il ne fut plus possible de ne pas voir l’écume rouge qui frémissait sous le souffle rauque du vieil homme. Le silence se fit. Il opprima la poitrine du garçon.
    —  Seanair* ? appela Sam.
    — C’est bien, petit. Tu fais des progrès. Je suis fier de toi. L’anche tient toujours bon ?
    — Oui. J’y fais très attention.
    Louis manifesta discrètement sa présence à l’entrée de la chambre, au cas où Aedan aurait eu besoin de lui. Mais le blessé ne réclama rien. Au lieu de quoi, il toussa et dit, d’une voix sans timbre :
    — C’est important, la musique, très important. Elle parle à notre place, et souvent mieux que nous.
    — J’en ai toujours plein la tête, tellement qu’il m’arrive d’en échapper, dit Sam.
    — Excellent. C’est de famille.
    Les deux regards émeraude s’accrochèrent l’un à l’autre, puis Aedan dit :
    — Alors, on rentre ?
    Le silence retomba, plus lourd qu’avant.
    — Que voulez-vous dire ? demanda le gamin. Aedan réfléchit un moment, avant de répondre :
    — Je voudrais bien rentrer à la maison, maintenant.
    — Mais on y est.
    Aedan fronça les sourcils.
    — Ah oui. Mais oui, suis-je bête.
    D’un seul regard qui s’emplit soudain de larmes, Sam appela à l’aide. Louis comprit et s’approcha. Ils se regardèrent tous les deux un instant sans rien dire. Puis Sam alla se hausser sur la pointe des pieds pour demander tout bas :
    — Est-ce qu’il va mourir ?
    Louis, qui s’était incliné vers lui, se redressa. Son regard devint vague.
    — Je ne sais pas.
    — Oui, vous savez. Mais vous ne voulez pas me le dire.
    — Chut, pas si fort.
    — Dites-le-moi.
    Louis le saisit par le bras. Il l’entraîna dans la grande pièce et s’inclina de nouveau pour lui chuchoter d’une voix rude :
    — Écoute. Tout ce que je sais, c’est que je ne peux plus rien faire, et toi non plus. Ou plutôt si. Allez, file. Va-t’en prier pour lui avec le moine et ne t’avise pas de venir nous déranger.
    Sur ce, il poussa le garçon en larmes vers Margot qui se hâta de le recueillir pour tenter de l’apaiser. Louis retourna dans l’aile s’enfermer avec Aedan. Il prit à son chevet la place de Sam. Le vieillard toussait et crachait de plus en plus. Il dit :
    — C’est drôle, pendant un moment je me suis cru ailleurs. Ça doit être à cause de la musique.
    — Sûrement, oui.
    — Je suis très touché, n’est-ce pas ?
    — Oui.
    — Vous comprenez, je faisais semblant… à cause du petit. Je suis fichu ?
    Louis hésita imperceptiblement. Il répondit, tout bas :
    — Oui.
    C’était trop grave. Des côtes enfoncées avaient causé à Aedan des lésions internes fatales. Louis avait constaté cela dès qu’il avait vu le vieil homme se mettre à cracher le sang.
    L’Écossais ferma les yeux et exhala faiblement, avant de dire :
    — Nous, les highlanders, on a tous la peau dure et l’âme de guerriers. On ne renonce jamais. Vous savez ce que c’est. Vous vous êtes battu, vous aussi, ça se voit.
    Louis acquiesça.
    — Au fond, je ne suis qu’une vieille canaille. Où est-il passé, mon courage, maintenant que j’en aurais tant besoin ?
    Une longue quinte de toux l’interrompit. Louis l’aida à s’asseoir afin qu’il

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