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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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prie ?
    — Pas du tout, fiston, dit le tavernier.
    Indulgent, il vint lui reprendre son broc en lui demandant :
    — Ainsi, on s’en vient festoyer d’aussi loin que les Hautes-Terres* en l’honneur du roi ?
    — Pas exactement. En fait, moi je viens de Normandie.
    — Ah. C’est vrai que l’on trouve de tout en Normandie, dit le tavernier.
    Il resservit à Sam son broc rempli de vin d’Argenteuil. Une fois le breuvage approuvé avec enthousiasme par son jeune client, il put retourner à son ouvrage l’âme en paix.
    — Petit sacripant ! dit un client râblé en venant s’asseoir à la table de Sam. Tu t’y prends plutôt bien pour tromper un homme. Tu lui as refilé de l’eau, n’est-ce pas ?
    — Vous avez l’œil bien alerte, pour un buveur, dit le garçon.
    — C’est parce que je ne suis pas assez bête pour m’enivrer au point de ne plus rien voir. Que veux-tu, c’est l’habitude. J’étais artilleur à Crécy dans le temps. Crécy, tu connais ?
    — J’en ai entendu parler. Comme tout le monde, je suppose. Sam repensa au récit qu’en avait fait le paysan lors du long séjour dans le souterrain.
    — Ben moi, j’y étais. Tiens, regarde-moi bien les joues. Tu vois, tous ces petits trous ? Je puis t’assurer que je n’ai pas attrapé la vérole. C’est que, des fois, nos trucs nous pétaient en pleine figure. Allez, file-moi un peu de ton vin, tu ne vas pas le regretter. J’ai tout un savoir et pas de fils à qui le léguer. Et en plus, je connais un bon endroit où l’on pourrait passer la nuit. C’est chez un mien ami. La procession doit passer devant chez lui et il m’a réservé une place sur son toit. On n’aura qu’à se serrer un peu plus pour t’en faire une, à toi aussi. Tu fais quoi, dans la vie ?
    — Je suis palefrenier*.
    La nuit promettait d’être aussi mémorable pour Sam que le jour qui s’annonçait. Le duo, muni des deux brocs et d’eau, s’apprêtait à en passer une partie à écumer les gargotes de Reims.
    Sam dit :
    — Ça, c’est la vraie vie. Je me sens pousser des ailes. J’ai envie de voir le monde, de tout connaître. Tiens, je commencerai par m’arrêter au Mont-Saint-Michel. J’ai toujours rêvé de visiter cet endroit. Il paraît que Du Guesclin en est devenu le capitaine (93) . Est-ce vrai ? Parce que, si c’est vrai, il aura peut-être besoin de bons défenseurs là-bas, à cause de la guerre.
    — C’est bien vrai qu’il l’est, oui.
    — Alors j’irai. Là-bas et ailleurs. Je saurai si bien me démarquer qu’un jour viendra où mon tartan côtoiera les Lys de France.
    — Toi, tu ne manques pas d’audace. J’aime ça.
    — Je tiens ça de mon grand-père. C’était un vrai highlander, dit Sam en gonflant orgueilleusement la poitrine.
    Alors qu’ils déambulaient dans une rue encore bruyante, l’adolescent devint songeur. Lorsque sa famille et lui-même avaient quitté les côtes de l’Écosse, il n’était qu’un bébé, et pourtant, il lui arrivait inexplicablement d’avoir le mal du pays. Il lui fallait admettre que, s’il avait envie de voyager de par le monde, son but ultime avait toujours été et demeurait l’Écosse. Les histoires d’Aedan en avaient fait une sorte de sanctuaire où, contre toute logique, il rêvait d’emmener Jehanne.
    — J’ai appris le métier d’un gars de Flandre, disait le compagnon de Sam. Les premiers artilleurs venaient surtout de là et d’Italie.
    Ils s’installèrent aussi confortablement que possible sur les ardoises du toit pentu qui leur était réservé et se préparèrent à y passer le reste de la veillée. Heureusement, la nuit s’annonçait tiède. Ils étaient seuls tous les deux et, à l’autre bout de la rue, les tours sombres de Notre-Dame de Reims veillaient sur eux, ce qui porta le vétéran à poursuivre ses confidences :
    — Faut avouer que nos bombardes ne sont pas encore au point. Loin de là. Mais ça viendra, tu peux m’en croire. Et lorsqu’on y sera, houla ! Ça va faire mal, fiston, c’est moi qui te le dis. Elles finiront par bouleverser l’art de la guerre. Elles feront sauter les ennemis par dizaines d’un coup et les forteresses ne serviront plus à rien. Les gars comme moi sont des pionniers, ouais !
    — Qu’y aura-t-il à la place des forteresses ?
    — Fichtre, j’en sais trop rien.
    — Est-ce qu’il y a un moyen de se défendre contre les bombardes ?
    — Si. C’est de ne pas se trouver là quand

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