Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
Vom Netzwerk:
ça pète.
    Sam posa entre eux un cruchon de vin et du saucisson. L’artilleur expliqua :
    — Vois-tu, le problème, c’est que le boulot est aussi dangereux pour le type qui sert la bombarde que pour ceux qu’elle vise. Faut savoir s’y prendre avec, petit, car elle est aussi ombrageuse qu’un dragon et elle crache le feu comme lui. Tu ne pourrais jamais t’imaginer, en tremblant sous ses foudres, qu’elle naît du creuset même de celui qui fond les cloches d’église.
    Sam aima le tour métaphorique que prenait la conversation.
    — Mais ce n’est pas tout de la faire tonner. D’abord, il te faut traîner le monstre jusqu’au champ de bataille et ça, c’est un combat en soi. La bombarde est rétive, je te l’ai déjà dit. C’est un grand tube en fer ou en cuivre qui mesure à peu près cinq pieds de long. Elle a l’air d’une grosse jarre couchée, tu sais, celles qui sont en forme de bulbe. Les pièces sont assemblées par des anneaux d’acier. On a besoin d’une grue pour la descendre d’un chariot et pour l’installer sur des supports en bois massif qui font toute la longueur de la bombarde et qui s’arrêtent à angle droit. Le cul s’appuie sur une butée de bon chêne qui fait bien un quart de la longueur totale. Cette partie-là peut se séparer du canon. J’y reviendrai. Les supports reposent eux-mêmes sur des planches. Cela fait, on oriente tout le bazar en direction de l’endroit à nettoyer. Mais tout ça, mon petit gars, ce n’est que le début.
    Le jeune Écossais, qui avait appréhendé la perspective d’une longue nuit d’attente à passer tout seul dans une grande ville inconnue, offrait maintenant aux étoiles un demi-sourire empreint d’indulgence à l’égard du gamin qu’il était encore à peine six heures plus tôt. Devenu le réceptacle d’un savoir nouveau qui en était encore au stade expérimental, il se sentait désormais libre, fort, galvanisé par le vin et une virilité naissante.
    L’ancien artilleur mordit dans le saucisson qu’il fit passer d’une bonne rasade.
    — Tu commences par retirer la partie amovible du support, tu la plantes en terre, bien droit, et tu y enfournes la mixture de poudre noire bien remuée. Après, tu y vas avec une pelletée de terre argileuse mouillée d’eau. Ça sert à sceller la chambre de combustion, autrement ta détonation perdra de sa force avant même que ta poudre ne se soit tout embrasée. Tant que tu y es, n’oublie pas d’enduire aussi d’argile le boulet en pierre. Ça comble les vides entre ton projectile et la paroi de la bombarde, tu me suis ? Bon. Oh, il y a aussi de la bourre de saule. Une fois que tout ça est fait, il te faut replacer le tube sur ses supports et attendre une heure.
    — Une heure ?
    — Eh oui, c’est le temps que l’argile met à bien sécher pour rendre ton sceau étanche.
    — Mais une heure ! Ça vous laisse amplement le temps de vous faire transpercer.
    — Hé ! Hé ! Tu n’es pas bête, fiston, mais on voit bien que tu n’es jamais allé sur un champ de bataille. Allons, allons, ne prends pas la mouche. C’est bien normal, puisque tu es encore jeune. Donne-toi un peu de temps. Bon, écoute. Les artilleurs sont protégés. Ils restent derrière la ligne de combat. Ils laissent les archers, les cavaliers et la piétaille s’occuper de la bouillasse du centre et l’empêcher de trop avancer. Eux, pendant ce temps-là, ils creusent des brèches de tous les diables dans les murs ou, s’il n’y a pas de murs, dans le camp adverse.
    — Mais ça doit aussi vous tuer des vôtres, non ? Le vétéran haussa les épaules.
    — Ça arrive. Que veux-tu, on ne peut rien y faire. Tiens, bois donc un coup pour te remettre le cœur à la bonne place. Voilà… Ton heure d’attente, tu ne l’écoules pas à regarder voler les corneilles, petit. Crois-en ma parole. Il te reste encore à vérifier que la chambre de combustion soit soigneusement appliquée contre le tube, si tu veux éviter que le souffle de l’explosion ne s’échappe par l’interstice entre les deux parties. L’argile ne fait pas tout. Tu dois enfoncer des cales en bois à coups de maillet entre la chambre et le support.
    La tête de Sam s’était mise à tourner et il commençait à se demander si le vin seul en était la cause. Son compagnon continuait :
    — Il vaut mieux que tu aies préparé tes amorces à l’avance. Tiens-les bien au sec, sinon elles ne vaudront rien. Ce sont des

Weitere Kostenlose Bücher