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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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inachevées (100) se découpaient contre le ciel de mai, communiquant plus que jamais leur grandeur à l’importance de ce jour. Notre-Dame de Reims était une parente de sa célèbre église homonyme de Paris. Tout indéniable que cela fût, quelque chose de fondamental, pourtant, différenciait les deux sanctuaires : le style massif de celui de Paris inspirait une dévotion craintive envers un Dieu autoritaire, alors que celui de Reims, sur lequel s’étaient posés des anges souriants parmi les rinceaux et les feuillages de pierre, portait le fidèle à attendre Sa bienveillance.
    Des clercs en aube de soie avançaient dans l’allée centrale, portant des croix processionnelles ou remuant des encensoirs. La cathédrale avait dû être rallongée de trois travées afin d’offrir une nef plus vaste aux fidèles pour le jour du sacre.
    La première chose que Jehanne remarqua, c’était qu’elle avait cessé d’avoir mal au ventre la veille. Si elle continuait à se sentir vaguement étourdie, elle mettait plutôt cela sur le compte de la foule, à laquelle elle n’était pas habituée. Ce fut pourtant cette même foule qui lui fit remarquer une seconde chose : contrairement aux gens qui les entouraient, elle ne se faisait pas bousculer par des voisins qui ne cessaient de jouer des coudes et de se hisser sur la pointe des pieds pour mieux voir. Elle savait pourquoi. Elle leva les yeux vers Louis et lui sourit. Il fallait admettre qu’il devait leur en imposer, tel qu’il était, grand, solennel, avec son habit noir en drap naïf* et sa posture martiale. Elle profita du fait qu’il était occupé à observer les prémices de la procession pour se délecter de sa vue en toute immunité. Une délicieuse vague de chaleur déferla en elle. C’était à la fois mystérieux et attirant. Elle se demanda pourquoi Sam, qu’elle aimait aussi et connaissait mieux, ne lui faisait pas cet effet-là.
    Le prince fit son entrée, soutenu à droite et à gauche avec révérence par les deux premiers pairs de France, les évêques de Laon et de Beauvais. Les dix autres pairs suivaient derrière, chacun portant l’un des insignes royaux. Le roi chétif semblait épuisé d’avance par la proximité d’un cérémonial à la lenteur oppressive.
    Même s’il se tenait presque à l’arrière de l’assemblée en compagnie de sa fiancée et du gouverneur, Louis, grâce à sa haute taille, allait pouvoir bénéficier d’une vue claire sur ce rituel vénérable.
    Friquet leva les yeux vers le visage impassible du bourreau.
    — À Reims l’âme, à Saint-Denis le corps, à Paris l’esprit. C’est lui, votre vrai roi, maître. Après tout, n’êtes-vous pas parisien d’origine ?
    Louis jeta un bref coup d’œil au petit ecclésiastique et continua à suivre la procession des yeux. Jehanne se tenait à côté de lui ; elle était si fascinée qu’elle ne prêta pas attention à leur échange. Louis dit :
    — Oui. Mais qu’en est-il de ses terres ?
    Il baissa les yeux sur la jeune fille immobile. Friquet de Fricamp répondit :
    — C’est justement pour cela que nous sommes ici. Pour nous en occuper. Cela dit, je crois déjà pouvoir vous rassurer sur ce point, maître Baillehache. Il est question que notre bon sire que voici rende au Navarrais ses possessions normandes d’ici à la fin de l’année (101) . Mais pour cela il va falloir la paix.
    Louis ne se demandait même pas qui il devait servir. Il irait là où on lui dirait d’aller, comme un chien de garde qui obéissait aveuglément à son maître. Car, après tout, il n’était que cela aux yeux des gens. Cela et rien d’autre. Tout était plus facile ainsi et la bravoure n’avait rien à y voir.
    Au son des cantiques, les six pairs ecclésiastiques s’avançaient lentement dans l’allée centrale : tout d’abord leur hôte, l’archevêque-duc de Reims, à qui allait revenir l’honneur de couronner le roi et de l’oindre de l’huile de la sainte ampoule ; l’évêque-duc de Laon dont la responsabilité était en outre de porter la sainte ampoule qui lui avait été remise par l’abbé de Saint-Denis, son gardien ; l’évêque-duc de Langres, quant à lui, tenait respectueusement un coussin de velours sur lequel reposait le sceptre ; l’évêque-comte de Beauvais avait la charge du manteau royal et allait plus tard le présenter à Charles ; l’anneau royal lui aussi posé sur un coussin était dévolu à l’évêque-comte de

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