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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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s’étouffa, tandis que Charles éclatait de rire à cette réflexion spontanée, tout à fait inattendue.
    — Damoiselle ! dit l’ecclésiastique d’une voix sans souffle.
    — Quoi ? Qu’ai-je dit ?
    — Laissez, laissez, mon ami, intervint Charles. Il ajouta, sans lâcher les mains de Jehanne :
    — Pour tout vous dire, cette candeur me change des interminables exigences du protocole.
    Puis, regardant Jehanne :
    — Je vous remercie, damoiselle d’Augignac, de m’avoir fait bien rire. C’est un présent d’une grande valeur, le rire, surtout pour un roi. Maintenant, si je puis me permettre de vous rassurer sur ce point…
    D’un geste théâtral, il lui imposa les mains et regarda au plafond avant de fermer les yeux, récitant avec ferveur :
    — Le roi te touche, Dieu te guérit.
    — Mais, sire ! s’exclama le gouverneur. Avec tout le respect qui vous est dû, l’on ne doit pas s’amuser ainsi avec les prières. La damoiselle d’Augignac ne souffre pas des écrouelles*.
    — Je vois bien que non. Mais, si un jour elle venait à souffrir de quoi que ce soit, je souhaite que ma prière d’aujourd’hui allège son fardeau.
    Friquet ne trouva rien à répondre à cela. Le roi libéra Jehanne. Il posa son regard nostalgique sur la silhouette noire qui se tenait près de la porte.
    — Et voici donc le sieur Baillehache. Mais où diable ai-je donc entendu ce nom ?
    — Sire, dit Louis en s’avançant et en s’inclinant un peu trop vite au goût de Friquet.
    Il se tint debout en face du roi et attendit un signe de sa part. Contrairement aux deux autres, il n’avait nullement l’air intimidé.
    — Dieu ! que vous êtes grand ! dit Charles de sa voix basse. Ce n’est pas commun.
    — Ça, non, dit Louis.
    Derrière lui, le gouverneur trépignait et pensait de toutes ses forces, espérant contre toute raison être entendu de Louis : « Ne te tiens pas au-dessus de lui comme ça, bon sang ! Ce qu’il a voulu dire par là, c’est : "Mets-toi à genoux", sombre abruti ! »
    — Que m’avez-vous dit à son sujet, Excellence ? Qu’il travaillait pour vous, c’est cela ?
    Le gouverneur se mordit la lèvre. Mauvais signe : le roi ne s’adressait pas directement à Louis. Friquet répondit :
    — C’est exact, sire.
    — Et que fait-il ? On croirait presque voir un clerc. Mais les clercs n’ont pas d’armes, n’est-ce pas ? Et encore moins de fiancée.
    — Je ne suis qu’un fonctionnaire, sire, dit Louis qui n’aidait pas sa cause en parlant sans y être invité. J’aide le bayle lorsqu’il a besoin de moi.
    Toujours peu soucieux du protocole, il tourna le regard en direction de Jehanne. Enfin, il se souvint tout à coup des convenances et mit un genou en terre. Le gouverneur laissa échapper un soupir, tout en se demandant s’il n’était pas trop tard. Charles dit :
    — Ah, je vois. Je crois me souvenir, maintenant.
    Et il jeta lui aussi un coup d’œil à Jehanne.
    — Je suppose que votre secours doit avoir son importance, dit le roi.
    Il prit les mains calleuses dans les siennes et les relâcha vivement, comme si leur contact l’avait brûlé. Ce n’était pas là le pire. Au lieu de baisser humblement la tête, Louis avait rivé son regard à celui du roi, comme c’était sa déplaisante habitude. Cela n’allait pas du tout. Pourtant, l’hommage fut accepté. Louis se releva et recula poliment.
    — Continuez à bien travailler, maître Baillehache, et sachez que vous le faites au nom du roi de France. Mon cousin Charles de Navarre est, je dois vous le rappeler, mon vassal en ses domaines de Normandie que j’ai d’ailleurs l’intention de lui remettre en signe de ma bonne volonté.
    — Je m’en souviendrai, sire.
    — Bien. À propos, savez-vous lire ?
    — Plaît-il ?
    — Il me semble pourtant avoir parlé clairement. Savez-vous lire ?
    — Excusez-moi. Non.
    — Ah ! Dommage.
    — Moi, je sais, intervint joyeusement Jehanne.
    — Sainte Mère de Dieu, dit Friquet.
    — Vraiment ? demanda Charles.
    — Oui, et je sais aussi écrire et compter.
    — Tiens, tiens, comme c’est intéressant. J’ai toujours ouï dire que l’on faisait les choses autrement en Normandie. Maintenant j’en détiens la preuve. Bien. Vous avez tous grandement mérité l’accès à l’église cathédrale aujourd’hui. Je vous accorde également volontiers l’honneur de me raccompagner à Paris, où nous attendent liesses, joutes et

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