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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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et il m’est interdit.
    — C’est parce que vous me connaissez mal. Il vaut mieux pour le moment que je demeure interdit.
    — N’empêche que, contrairement aux autres, moi, au moins, j’ai envie de mieux vous connaître.
    Louis ne se faisait pas d’illusions. Il savait que pour elle il ne pouvait être actuellement qu’une espèce de personnage mystérieux et romantique, et cela jusqu’à ce qu’elle le vît brandir la hache ou se démener autour d’un pendu pour lui briser l’échine. Lui qui s’était jusque-là peu soucié de l’avis des autres à son sujet voyait ce jour-là venir avec appréhension. La vérité allait se dévoiler dans toute son horreur et il redeviendrait l’incarnation de la Faucheuse. Il ignorait pourquoi, mais l’idée que Jehanne allait un jour finir par savoir cela lui était intolérable.
    Ils laissèrent la berge s’effacer dans la pénombre du crépuscule alors que le ciel s’embrasait encore.
    *
    Hiscoutine, fin juin 1364
    — Il est de retour, maître, annonça Margot à Louis alors qu’elle s’en revenait du poulailler avec un panier d’œufs.
    — Où est-il ?
    — Dans la tour. Il dort.
    Sans dire un mot de plus, Louis reposa son bol d’infusion et se leva de table, laissant son déjeuner en plan. Les habitants de la maison ne purent s’empêcher de le suivre dehors en silence. Depuis un peu plus d’un mois, l’absence de Sam avait été pour eux tous un grand sujet d’inquiétude.
    Louis ouvrit bruyamment la porte de la tour. Tandis que les autres se regroupaient à l’entrée pour mieux voir, Louis s’avança seul à l’intérieur. Il avisa Sam qui ronflait, couché sur le flanc dans le tas de foin. Les quelques chats qui s’étaient lovés autour de lui se remirent sur leurs pattes, s’étirèrent langoureusement et profitèrent du fait que la porte était ouverte pour s’en aller faire un tour dehors. Louis s’arrêta et se pencha pour ramasser quelque chose. C’était un petit flacon vide qu’il renifla avant de le jeter plus loin. Il tourna la tête vers le groupe, puis sortit de la tour sans fournir d’explications.
    — Que va-t-il faire, d’après vous ? demanda Blandine tout bas.
    — J’en sais trop rien. Mais, ce dont je suis sûr, c’est que le temps est à l’orage, chuchota Thierry.
    — Ouais, confirma Toinot.
    Personne ne bougea de sa place, pas même lorsque Louis revint du puits avec un seau d’eau. Tout le monde éclata de rire.
    — Allez-y, maître, donnez-lui une bonne douche bien froide, à ce jeune pochard, dit Toinot.
    — C’est le meilleur remède contre la migraine, dit Hubert en ricanant.
    — Et contre ses idées de grandeur. C’est qu’il vise bien haut, le bougre, fit remarquer Blandine.
    L’eau lancée forma un grand arc transparent, presque horizontal, qui s’écrasa sur la forme endormie. Sam haleta et s’assit brusquement sous les rires qui redoublaient. De l’eau fut pulvérisée hors de son nez et de sa bouche. Louis posa son seau et empoigna par ses vêtements pour le mettre sur pied l’adolescent crachotant et effaré. Même Jehanne ne put s’empêcher de s’amuser de la scène cocasse qu’ils offraient tous les deux : d’une part Sam, dont le kilt gorgé d’eau pendait d’une façon lamentable, et de l’autre, Louis à la mise impeccable.
    — Je ne me souviens pas de t’avoir accordé la permission de quitter la ferme, dit le maître.
    Sam mit quelques secondes à retrouver ses esprits.
    — Quelle permission ? J’ai très bien pu me débrouiller tout seul, répondit-il avec un air de défi.
    — Sans sauf-conduits, dans un pays infesté de routiers et d’Anglais. Jeune écervelé !
    — Et alors ? Je suis revenu sain et sauf, non ?
    — Bon, assez discuté. Va m’enlever cet accoutrement et mets-toi au travail, bon à rien.
    Le sang de Sam ne fit qu’un tour. Il plaqua sa main sur la poitrine de Louis et le repoussa. Les sourires se figèrent sur les visages des témoins. Nul n’avait jamais osé lever la main sur le métayer. Sam gronda entre ses dents serrées :
    — Que je ne vous prenne plus à insulter mon plaid. Je suis écossais et libre. J’ai quatorze ans (104) . Mes projets n’appartiennent qu’à moi. Vous n’êtes plus mon tuteur.
    — Tes projets ! Voyez-vous ça ! Bon. Puisque c’est ça que tu veux… Il se retourna vers le groupe.
    — Allez, ouste, vous autres. Ceci ne vous concerne pas.
    — Cette émancipation va lui en

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