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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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de ta monture comme sur celles qu’on réserve aux putains.
    — On voit que vous vous y connaissez en matière de putains.
    — Un peu, oui.
    Sam perdit le géant de vue alors que ce dernier s’affairait derrière lui à quelque tâche mystérieuse. Soudain sa voix toute proche le fit sursauter :
    — Finies les verges (106) pour toi, Aitken. À homme adulte, châtiment d’homme adulte.
    Il lui tapota l’épaule avec un grand roseau souple.
    — Tu m’as pris un peu de court avec ton persiflage. Je n’ai pas de fouet ici. Mais ceci fera très bien l’affaire.
    Sam serra les mâchoires pour empêcher des mots dont il refusait d’admettre l’existence de surgir contre son gré. Non, il n’était pas question de supplier ce tyran, ce voleur d’amour-propre, ce gros fragment de rocaille sans âme ni conscience qui avait ensorcelé seanair* et lui ravissait sa bien-aimée.
    Louis recula d’un pas. Pendant trois interminables minutes, il cingla les épaules, les flancs, le dos et les cuisses de Sam en cadence accélérée. Dès le second coup, il ne lui fut plus possible de retenir ses gémissements. Sam se courba en avant sous l’attaque du roseau qui claquait, coupant comme une lame. Le bras du tourmenteur tournant autour de l’escabeau était infatigable. Il n’épargnait de ce qui s’exposait involontairement à lui que la nuque et les reins qui, eux, étaient protégés par le bourrelet de vêtements.
    Le métayer marqua un temps d’arrêt, une pause miséricordieuse et inattendue dont Sam profita pour se redresser un peu, tout en essayant de faire croire que la correction n’avait pas été si terrible.
    Il cligna des yeux. Une pluie de fines gouttelettes se mit à lui chatouiller le dos. Il tourna la tête et soudain se tendit comme la corde d’une harpe. Ces gouttes ne pouvaient être de l’eau : elles brûlaient comme des braises. Entre deux spasmes de douleur, il put apercevoir Louis qui se trempait les mains dans le tonnelet de petit salé et qui en secouait ensuite la saumure vers lui avec application.
    — Arrête, maudit enfant de chienne. Arrête !
    Sam haletait. Il entendit le bruit liquide de la saumure remuée dans le tonnelet et eut un haut-le-cœur. Louis demanda :
    — Plaît-il ?
    Il lui plaqua dans le dos ses deux mains trempées de saumure et se mit à frotter vigoureusement. Les yeux exorbités, l’adolescent hurla à en perdre haleine. Ensuite, Louis revint se planter devant lui et l’empêcha de s’affaisser en le retenant par l’épaule. Sa main était barbouillée de sang rosâtre. Il semblait attendre quelque chose. Sam dit, d’une voix pâteuse :
    — Arrêtez.
    — Donne-moi une bonne raison d’arrêter et j’arrêterai.
    — Je ne comprends pas.
    — Alors laisse-moi te poser une question. Te repens-tu d’avoir commis l’affront de me désobéir en plus de m’injurier ?
    Sam acquiesça vaguement.
    — Alors dis-le-moi.
    — Je… je m’excuse de vous avoir désobéi et injurié…
    — … maître, compléta Louis.
    — Maître, dit Sam, docile.
    — Bon. Ça ira.
    Louis s’apprêta à se baisser pour débarrasser le garçon des poids qui lui tiraient les chevilles. Mais il en fut empêché et dut reculer de quelques pas pour laisser à Sam le temps de vomir. Après quoi il défit ses liens et l’aida à descendre de l’escabeau en lui disant :
    — Tu reviendras me nettoyer ça plus tard. Pour l’instant va-t’en voir Margot. Elle va te soigner. Moi, j’ai trop à faire. Nous avons pris beaucoup de retard et il me faut en plus me charger de ta part de travail.
    Sam ne répliqua pas. Il regarda le métayer quitter la grange et s’essuya la bouche du revers de sa main tremblante.
    Flocon, le chat blanc, trouva ce qu’il cherchait dans la tour. Il se hâta d’aller ronronner une confidence à l’oreille de Sam et fut vite distrait par l’odeur du sang qu’il chercha à repérer en fouillant sous l’ample tunique propre que la gouvernante avait fait enfiler au garçon par-dessus ses pansements. Sam, couché à plat ventre, repoussa la petite bête trop entreprenante qui, de toute façon, clignait des yeux à cause de la forte odeur de médicament et d’alcool qu’il dégageait. Un flacon encore plein au tiers était planté près de lui, dans le tas de foin. L’effet abrutissant de l’eau-de-vie l’avait fait vaguement somnoler tout l’après-midi.
    — Je savais que j’allais te retrouver ici, dit la voix de Jehanne,

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