Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
Vom Netzwerk:
demanda Louis.
    — Oui. Je ne veux pas mourir.
    — Je crains de ne pas pouvoir vous accorder cela. Désirez-vous boire un verre ? Je puis aussi vous donner de quoi apaiser votre nervosité.
    — Ah, tiens ! Elle est bonne, celle-là. Non. Je ne veux rien qui vienne de toi, vil sicaire*.
    — Je puis vous assurer que moi non plus, répliqua Louis en jetant un coup d’œil indifférent au luxueux hoqueton* clouté de laiton que le gentilhomme portait par défi.
    Le bourreau avait déjà résolu de faire aumône des biens dont il allait devenir le récipiendaire, comme il le faisait presque toujours. Certains affirmaient qu’il n’agissait ainsi que pour récolter des indulgences.
    Louis fit signe que le moment était venu. Il empoigna d’Asnières par le bras fermement, quoique sans rudesse. Un garde se posta derrière, au cas où il devrait prêter main-forte au bourreau. Gêné par ses entraves, d’Asnières avança à petits pas.
    — Dégagez le passage ! ordonna l’exécuteur aux curieux qui s’entassaient dans le couloir.
    Isabeau aperçut brièvement son neveu alors qu’il passait devant sa cellule. Il fut remis à deux gardes qui l’entraînèrent en direction de l’escalier menant à l’extérieur. Son haleine produisait de tristes petits nuages blancs. Louis fut de retour.
    — Allons, ma fille ! dit le prêtre en s’approchant avec son crucifix.
    Isabeau jeta un coup d’œil circulaire à sa cellule. Elle s’y sentait déjà étrangère.
    — Jamais je n’aurais pensé regretter un jour de quitter un cachot.
    Elle fit quelques pas hésitants. Tout de suite, elle frissonna. Louis enleva son floternel* et le lui jeta sur le dos. Il en noua les manches sous son menton.
    — Merci, dit-elle en lui souriant faiblement.
    Toujours sans la regarder, il la prit sous l’aisselle. Elle marcha courageusement avec lui, ses jambes fléchissant à chaque pas. La lourde porte à doubles battants du palais de justice débouchait directement sur la place Saint-Sauveur. Cette place était le site principal des exécutions à Caen ; elle donnait sur l’une des entrées de la cité, sur une assourdissante clameur et sur une lumière qui, même tamisée par les nuages, vint l’extraire brutalement de l’ombre calme où elle se tenait encore. Elle en fut presque aveuglée. L’agitation de la foule, retenue de chaque côté de la porte de la prison par une haie de gardes, la fit s’appuyer davantage contre Louis. Elle aperçut l’arrière d’une charrette où s’appuyait une petite échelle. D’Asnières se débattait, aux prises avec ses gardes qui faisaient office de valets, et refusait d’y monter. Le visage rouge, en sueur, il lançait des obscénités aux spectateurs hilares.
    — Philippe, tu me fais honte ! dit Isabeau d’une voix claire et forte.
    La foule se tut. Le jeune homme s’immobilisa et regarda le couple étrange qu’elle formait, elle, la victime, en compagnie de son bourreau. Il rugit de plus belle :
    — Espèce de salopard ! Non mais pour qui te prends-tu ? Pour le bon saint Martin de Tours en personne (124)  ?
    — Calmez-vous, allez. Soyez brave et laissez-vous faire, dit Louis. Il s’avança, toujours soutenant Isabeau d’une main.
    — Dis-leur de se la fermer, à cette bande de moins que rien, de culs-terreux ! Ils ne devraient même pas avoir le droit de m’adresser la parole et toi non plus ! Je me calmerai si tu les fais taire. Tout de suite ! Tout de suite, sale boucher !
    Déchaîné, il se remit à vociférer. Louis renonça à essayer de le raisonner. Il saisit d’Asnières à la gorge. Tout le monde retint son souffle. Ce comportement indigne du condamné aggravait la sévérité du bourreau et l’impatience de la populace. Plusieurs furent tentés d’arrêter ce qu’ils prenaient à tort pour une saute d’humeur, car l’exécuteur de Caen était reconnu pour ses occasionnels comportements anormaux, telle son aversion pour la présence d’enfants autour de l’échafaud. Mais Louis ne serra pas la gorge du condamné. Il se contenta d’appuyer le pouce et l’index contre un point précis. Et, soudain, d’une seule pression brutale, il lui lésa la trachée-artère. La blessure fit en sorte que les injures de Philippe cessèrent net. Louis abaissa la main. La victime fixa son bourreau, éberluée. Louis lui dit :
    — Messire, j’ai reçu l’ordre de ne couper le souffle de personne hormis le vôtre.
    Pris d’un malaise,

Weitere Kostenlose Bücher