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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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lèvres entrouvertes sur un long soupir, elle ferma les yeux et murmura :
    — Dans les fables, c’est ce qui redonne la vie. Mais à moi, ça me la prend. Je suis à toi.
    Elle s’endormit.
    Louis ne dormit pas. Il veilla le reste de la nuit et regarda l’aube poindre par l’archère, ses bras entourant la silhouette immobile de sa victime comme ceux d’un protecteur.
    Nul n’eût pu dire ce à quoi il pensait. Peut-être à rien.
    Un coup dans la porte fit sursauter Isabeau.
    — C’est l’heure, maître, dit une voix.
    Hagarde, Isabeau se dégagea de l’étreinte de Louis qui avait lui aussi fini par s’endormir. Par l’archère, ils regardèrent tous deux le ciel, maussade, mais clair. Il se leva en hâte et porta la main à sa nuque. La mauvaise posture durant son court sommeil lui avait donné des courbatures. Cela l’inquiétait. Il s’approcha d’Isabeau et lui tendit la main sans la prendre.
    — Venez avec moi, dame. Courage. Ça ne sera pas long.
    Elle obéit, comme subjuguée par son changement d’attitude. Il interrompait subitement tout contact physique avec elle, exception faite de ceux qui étaient strictement nécessaires. Maintenant que la nuit était terminée, sa conscience professionnelle reprenait le dessus et avec elle les principes rigides qu’il s’était lui-même inculqués.
    Il tira un tabouret à lui et attendit qu’elle y prît place. Elle vit brièvement luire dans sa main la lame du rasoir qu’il venait de prendre.
    — Oh, Louis, laisse-moi plutôt les relever. J’aimerais tant garder mes cheveux.
    — J’ai bien peur que ce ne sera pas suffisant. Tenez, vous mettrez ceci. Ça ne se verra pas.
    Il lui remit sa coiffe. Il préférait ne pas prendre le risque de voir de longs cheveux se défaire d’une coiffure à l’instant ultime, comme cela s’était déjà vu, ce qui faisait inévitablement dévier la lame et changeait tout en boucherie. Il espéra ne pas avoir à lui expliquer cela. Et, effectivement, Isabeau ne réclama aucune explication. Elle sentit ses cheveux, coupés au hasard en arrière et sur les côtés, tomber par grosses mèches le long de son dos et sur ses épaules, où Louis les époussetait doucement avec sa grosse main. Il s’efforçait de ne pas regarder par terre, là où les longues coulées de bronze vivant gisaient, inertes, sur ses bottes de feutre. Il lui faisait tourner la tête à gauche ou à droite, un peu rudement parfois, mais c’était involontaire ; il faisait de son mieux pour se montrer doux, car elle pleurait. Il entreprit par la suite de dénuder son cou et ses épaules en découpant la partie supérieure de son vêtement autant que la pudeur pouvait le lui permettre. Le plat du rasoir effleura la nuque d’Isabeau. Elle tressaillit et gémit. La main de l’exécuteur s’arrêta.
    — Pardon. Vous ai-je fait mal ? Elle fit signe que non.
    — Attends, dit-elle, avant de se lever pour aller prendre sur une étagère un morceau d’étoffe qu’elle déplia devant lui.
    C’était l’écharpe de brocart* qu’elle lui avait attachée au bras pour la joute.
    — Puisque c’est moi qui dois désormais faire preuve de courage, c’est à mon tour de la porter, dit-elle.
    Et elle la noua à son bras avec l’aide de Louis, à qui elle sourit tristement.
    Le geôlier déverrouilla la porte afin de permettre à Louis d’aller signer la levée d’écrou. À son retour, le prêtre était déjà là, et Isabeau s’était agenouillée pour sa dernière prière. Il se tint en retrait et se recueillit avec elle en songeant au lampion qu’il avait allumé pour ses deux victimes, la veille, à l’église Saint-Sauveur qui se trouvait tout près de là.
    Lorsque la dame se releva, le prêtre sortit pour aller s’occuper de Philippe qui attendait dans la cellule voisine. Le bayle, accompagné d’un garde, vint se poster à la porte. Louis s’approcha et s’accroupit devant elle. Sans bruit, sans plus la regarder, il lui ramena les bras par-devant et entreprit de lui lier d’abord les mains, puis les pieds, avec une corde lâche qui allait lui permettre de faire de petits pas. Il acheva le ligotage en fixant l’un à l’autre ces deux liens, avant de sortir pour répéter la même procédure avec le neveu d’Isabeau. Il y mit plus de temps : aux éclats de voix qu’elle put percevoir à travers les murs épais, Isabeau devina que Philippe résistait.
    — Avez-vous une dernière volonté à formuler ? lui

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