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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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encore ?
    — C’était un Jacques.
    Les membres du conseil se remirent à chuchoter. Louis tourna la tête dans leur direction et ils se turent. Cela fit ricaner Charles, qui fit un signe de tête.
    — Très efficace, votre petit truc. Vous devriez assister à toutes mes réunions. Cela m’éviterait nombre de désagréments.
    D’un ton sentencieux, il s’adressa aux courtisans :
    — Mes amis, les gens de guerre tuent n’importe qui, souvent sans discernement, et sont couverts de gloire. Les bourreaux, eux, ne tuent que des coupables. Pourtant, on les méprise. N’est-ce pas une aberration ? Bien. Maître Baillehache, soyez mon invité et, par le fait même, celui de mon hôtesse, la noble dame d’Harcourt. Vraiment, vous m’intriguez.
    — Merci, sire.
    Il ne pouvait être question de refuser un tel honneur.
    — Dites-moi, quel âge avez-vous ?
    — J’aurai vingt-six ans en mars.
    — Nous sommes quasiment du même âge, mais, contrairement à moi, vous êtes vraiment trop bavard. Je n’ai jamais vu ça. On n’arrive plus à placer un mot. Allons souper.
    Charles se leva sous une grêle de rires. L’entretien était clos. Louis recula, mais il s’immobilisa dès qu’il se rendit compte que le petit roi marchait tout droit vers lui. Il ne sut que faire. Il regarda à droite, puis à gauche, avant de baisser la tête pour le regarder. C’était très gênant, d’autant plus que Charles semblait s’être intentionnellement trop rapproché. Le roi leva la tête et mit les mains en cornet autour de sa bouche pour crier :
    — Il doit y avoir une belle vue, de là-haut !
    Tout le monde s’esclaffa. Louis, ébahi et clignant des yeux, libéra le passage à la demande du roi dont la main baguée lui fit dédaigneusement signe de s’éloigner. Il s’inclina sous les rires de toute l’assistance qui se rassembla en cortège pour quitter la salle.
    Si les gentilshommes pouvaient s’avilir dans la fréquentation des courtisanes de Saint-Sauveur-le-Vicomte, l’une d’entre elles ne se laissait pas approcher par le premier venu. Isabeau d’Harcourt, née de Mareuil (13) , était d’une élégance exquise. Son maintien altier, ses paroles posées et chacun de ses gestes, soigneusement orchestré pour qu’il ne choque pas l’œil, faisaient d’elle l’une des nobles dames les plus convoitées du pays. Car elle était veuve. Son défunt mari, le comte Jean V d’Harcourt, était le neveu de Godefroy le Boiteux à qui avait appartenu la forteresse. Le comte avait été tué trois ans plus tôt. Pourtant, la dame ne s’était pas remariée en dépit de ses nombreux prétendants, dont certains étaient fort en vue. Isabeau préférait de loin la liberté permise par son veuvage de noble qui lui donnait accès plus aisément à des flirts des plus lucratifs. Elle s’était aussi mise à apprécier davantage le fait de tenir bien en main les rênes de Saint-Sauveur, dont l’importance stratégique n’échappait à aucun politicien. Ceux qui ne connaissaient pas Isabeau se laissaient facilement prendre à la douceur veloutée de sa voix, à ses regards tendres et voilés et à ses mouvements qui ondulaient comme les vagues de la mer toute proche. Rares étaient ceux qui savaient ce qu’elle était vraiment. Elle ne le leur permettait pas. Peu de gens avaient pu entendre comme sa voix, aussi sensuelle qu’elle pouvait être, était capable de trancher comme une lame. Sous sa coiffe qui était presque un hennin*, ses cheveux sombres luisaient comme du bronze neuf. Ses yeux avaient l’éclat de l’acier et avaient à eux seuls réussi à mettre de valeureux chevaliers à genoux. Isabeau d’Harcourt était une femme solide. Elle était aussi la maîtresse de Charles de Navarre. La reine étant absente (14) , elle avait su en profiter.
    La vaste cuisine eût fait l’envie de n’importe quel boulanger. Elle était munie d’une cheminée monumentale, qui était même dotée d’une niche pour garder la boîte à sel au sec. Son sol dallé était facile à nettoyer. On y avait prévu des barres à saucisses qui servaient à protéger les charcuteries des inévitables animaux de compagnie qu’on laissait errer n’importe où en toute liberté. Louis regarda les étagères chargées d’une abondante vaissellerie métallique. Sur d’autres s’alignaient sagement des pots en terre cuite remplis d’huile ou de graisse et des vases en grès pour le beurre. Cela lui rappela le somptueux

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