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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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n’avons guère besoin de chercher longtemps. Je songe à saint Pierre.
    — Pierre ? Je ne comprends pas. Cela m’étonne même un peu. Le maître ne cherche jamais à interpréter l’histoire sainte.
    Assez curieusement, elle eût aimé que Louis fût là pour connaître son avis sur la question, même s’il eût sans doute trouvé qu’ils parlaient d’abondance pour rien et que lui-même se fût contenté de pianoter sur son genou en attendant la fin de l’échange.
    — C’est secondaire dans le cas qui nous concerne, que Louis se désintéresse de l’histoire sainte. Et il est loin d’être le seul à ne pas tenter de comprendre. La vaste majorité des gens est tenue dans l’ignorance de ces choses. Tu es l’une des rares privilégiées, tout comme le sont certains nobles, et nous autres religieux. Nous seuls avons l’insigne privilège de nous interroger sur la teneur des textes sacrés sans avoir trop à craindre de représailles ou, pire, la damnation. Et encore, l’Église craint fort que certains d’entre nous finissent par en savoir trop. Je me demande d’ailleurs bien pourquoi, car le but de son existence même n’est-il pas l’élévation de l’âme vers Dieu ?
    — Saint Pierre…, dit Jehanne doucement.
    — C’est vrai. J’y reviens. Merci de me rappeler à l’ordre. C’est toujours ce qui m’arrive lorsque je ne prépare pas mes sermons. Bien. Référons-nous à l’Évangile : Jean semblait très proche de Jésus. C’était, tu t’en souviens sûrement, celui que Jésus aimait. Mais moi, j’ai toujours trouvé Pierre plus intéressant. Avec son fichu caractère, quelles prises de bec devait-il déclencher avec les apôtres autour du feu de camp ! Bref… Pourquoi ai-je la manie d’employer ce mot, bref, alors que je ne le suis jamais ? Bref, disais-je, ce compagnon intéressant a renié son maître trois fois. Il en a même été prévenu d’avance par Jésus lui-même. Cela ne l’a pourtant pas empêché de devenir son messager sur terre. On dit que la foi transporte les montagnes. J’y crois suffisamment pour avoir moi-même modifié des paysages. Cependant, on a fondé une Église sur elle seule et c’est, à mon humble avis, une fausse piste.
    — Heureusement que personne d’autre ne vous entend !
    — Ne te méprends pas sur le sens de mes paroles, Jehanne. Je ne critique ni la foi ni l’Église. Ma cible est notre propre étroitesse d’esprit. L’histoire humaine a souventes fois égaré une partie du message de Jésus.
    — « Aimez-vous les uns les autres », cita Jehanne.
    — Juste ciel, pourquoi insistes-tu pour me faire parler, puisque tu as déjà tout saisi ?
    — Pas tout à fait. Je peux discerner le paysage, mais vous devez me montrer le chemin qui y mène.
    — C’est si bien dit que j’accepte de poursuivre mon hérésie. D’après toi, que s’est-il passé dans la tête de Pierre quand le coq a chanté ? D’avoir repoussé ainsi par peur des représailles l’ami qui l’aimait d’une façon absolue ?
    — Cela a dû être terrible.
    — Plus terrible que tu ne le crois. La foi ? Qu’aurait pu faire la foi en un moment pareil, hein ? Elle n’a pas pu déplacer cette montagne-là. Regarde comme Pierre était prêt à perdre sa foi parce qu’il avait peur. Je pense que c’est au cours de ce moment-là de sa vie qu’il s’est véritablement transformé en kepha, en pierre inerte et froide sur laquelle, normalement, rien n’eût pu être bâti. Pierre s’apprêtait à ne devenir qu’un caillou stérile tout juste bon à se faire bousculer par les semelles des voyageurs. Mais voilà : quelque chose l’a sauvé in extremis.
    Il prit un ton de confidence :
    — Pierre n’est pas devenu le messager de Jésus parce qu’il avait foi en lui, mais bien parce qu’il l’aimait. L’amour, voilà la clef. La foi ne résiste pas à la trahison. L’amour, si.
    — C’est pour cela qu’on dit que l’amour est plus fort que la mort.
    — La mort était une trahison. Or, elle n’existe plus.
    — Oh, j’ai la tête qui tourne et je suis heureuse d’être revenue.
    — Et moi donc, de t’avoir à nouveau près de moi !
    — Comment est-il ?
    — Il se remet bien. Pour le reste, c’est plutôt difficile à dire. Tu le connais. Mais je crois qu’il est conscient de ce qu’il a failli perdre. Tu en jugeras par toi-même, puisque nous l’attendons ce soir, pour le souper.
    Elle se pelotonna contre lui

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