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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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et demanda :
    — Et Sam ? Lionel soupira.
    — Il ne s’est guère manifesté au cours des derniers jours. Je crains qu’il soit encore trop tôt pour se prononcer à son sujet. On dirait que le pardon que j’ai arraché au maître l’incommode au plus haut point. Tant mieux, c’est le but recherché.
    Jehanne fit silence et s’égara un moment dans ses réflexions avant de dire :
    — J’ai peur.
    Margot se planta le nez dans une touaille* tout juste décrochée de la corde à linge. Le mardi était jour de lessive et dans la maison avait sonné le rassemblement de toutes les nippes. Décembre, la plupart du temps si avare en brises tièdes, avait décidé de faire un effort pour Margot, et la domestique peinait pour rentrer son panier plein. Elle se promit également de mettre de côté quelques précieux radis en provenance des pays d’oc, ainsi que des verdures de fin de saison pour le souper. « Ce Baillehache et ses hardes noires », se fit-elle la remarque en montant dans la chambre de Louis quelques exemplaires, tous pareils, de ces vêtements, ainsi qu’une aumusse* en serge* râpée, lustrée par l’usure. Elle leur ménagea une place sur l’une des étagères de la grande armoire et allait en refermer la porte lorsqu’elle tomba sur un petit objet en bois, de forme oblongue. Elle s’en empara et l’étudia en fronçant les sourcils. Cela représentait un phallus gravé muni d’une espèce de manche. Le panier négligé s’inclina sur le côté et cracha une paire de touailles* brodées.
    Jamais armoire ne fut refermée aussi promptement.
    La première chose que demanda Lionel à son retour du village fut :
    — L’Escot* n’est pas encore rentré ? J’ai faim de musique après une journée pareille.
    — Je ne l’ai pas vu, répondit Margot.
    Il alla se laver les mains et la figure au seau qui était posé sur un tabouret, près de la porte.
    — Le village ressemble à une fourmilière que l’on a dérangée avec le bout d’un bâton. Cette température étonnamment clémente rend les gens un peu fous.
    Il alla à sa chambre afin de se défaire de son froc qu’il roula en boule pour le faire disparaître dans le baquet à lessive, qui ne demeurait jamais vide longtemps. Il passa un vêtement propre et revint rejoindre Margot. La servante termina le rinçage de quelques radis, s’essuya les mains sur son tablier et sortit de sa poche l’objet qu’elle avait trouvé dans l’armoire.
    — Jetez donc un coup d’œil là-dessus, mon père.
    — Qu’est-ce que c’est ?
    Une fois l’objet en question entre ses mains, il n’eut pas besoin de l’analyser longtemps pour en découvrir la teneur.
    — Ah, je vois, dit-il, et il le rendit à Margot.
    Elle dit :
    — Il pense déjà à cela… à l’accouplement. Ça va trop vite à mon goût. Et en plus ça, cette… cette chose, c’est contre nature, vous ne trouvez pas ?
    — Les temps changent, ma bonne amie.
    — Vous pouvez le dire. Les mœurs aussi, on dirait. J’aurais été portée à croire que l’Église était contre de telles abominations.
    Elle alla remettre l’objet dans sa cachette.
    — Oh, elle l’est sans doute.
    Lionel s’était assis à table et chantonnait tranquillement, le regard perdu sur les madriers du plafond.
    — On le sait bien, vous, ça n’a guère l’air de vous déranger, lui reprocha Margot qui était de retour et poursuivait un radis ayant roulé par terre.
    — Là n’est pas la question. Je crois que le maître a ses raisons. Ce n’est peut-être pas tant l’objet qu’il faut voir que l’intention qui se cache derrière.
    — C’est-à-dire ?
    — Avec ce qu’elle a appris sur son compte, Jehanne craint désormais les contacts physiques avec lui. Il le sait. Tout me porte à croire qu’il essaie simplement de trouver un moyen de lui rendre la chose moins pénible en attendant qu’elle s’y soit habituée.
    — Mon père, c’est un scandale de vous entendre parler de… de sexe d’une façon aussi désinvolte. Vous en plus, un homme d’Église !
    — Mais je n’ai pas toujours été un homme d’Église, Margot. Il reste suffisamment en moi de ces soi-disant tares humaines pour comprendre celles des autres. Tiens, je songe au scandale que j’ai moi-même causé jadis lorsque je suis entré dans la vie d’une jolie jouvencelle par la grande porte…
    — J’ignore de quoi vous voulez parler, mais il me semble que ce n’était pas

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