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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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sous un corps d’homme possessif, vorace et secoué de spasmes convulsifs. Elle resta longtemps à l’entrée de la chambre, paralysée, des vêtements pliés dans les bras. Elle n’osait pas y entrer.
    En tant qu’intendant, Lionel devait avoir l’œil à tout. Les arrangements pris en matière de testament avaient été une de ses responsabilités, Louis ayant consenti à une donation en faveur de Jehanne, le douaire* ; la liste des invités au mariage en était une autre. Louis se doutait de la raison pour laquelle le moine l’avait fait mander à l’église, mais, sans un mot, il entra et attendit le bon vouloir de l’aumônier. « Il ne me demandera rien de lui-même, pensa Lionel. Avec lui, pas de question inutile du genre : "Vous vouliez me voir ?" » Il se mit à énumérer, en suivant sur le bout des doigts :
    — Nous disions : de votre côté, il pourrait y avoir Hugues, Clémence…
    — Ça m’étonnerait qu’ils puissent venir.
    — Ce n’est pas une raison pour ne pas les inviter. Qu’en est-il de votre employeur, cet homme d’Église, Friquet de quelque chose, qui est quoi déjà ?
    — Gouverneur. Il n’y sera pas, dit Louis.
    — Bon. C’est aussi bien, car Margot en faisait une obsession. « On ne peut pas servir de bouilleux* à un tel invité », qu’elle disait. Ah ! ah ! « Et pourquoi pas ? » lui ai-je demandé. Mais je n’ai jamais eu ma réponse là-dessus. Elle m’a traité d’insolent et m’a mis à la porte sous le prétexte qu’il ne restait plus d’eau de pluie dans le cuvier et que je devais sortir en puiser.
    Les préparatifs allaient bon train. Les deux sièges ouvrés qui étaient placés côte à côte devant le chœur avaient été dépoussiérés et soigneusement polis à la cire d’abeille le matin même. Les deux hommes déambulaient lentement dans l’allée fraîche et silencieuse.
    — Vous avez des anneaux ? demanda le moine à Louis (135) .
    — Non. Je ne porte pas de bijoux.
    — Mais Jehanne, elle, eût sans doute aimé en recevoir un, fit remarquer Lionel en souriant. Un autre, je dis bien.
    — J’ai ceci, dit Louis.
    Il sortit de sa poche une pièce de soie et la tendit au moine qui la déroula afin de bien la regarder.
    — Mes armes, dit Louis en guise de précision.
    En tant que roturier anobli, Louis avait choisi de conserver les armoiries qui lui avaient été données aux joutes de Saint-Sauveur-le-Vicomte, même si cela avait été par dérision. Sur fond noir, une potence et une échelle surmontées d’une hache rouge se démarquaient. C’était d’une simplicité presque archaïque, mais nul n’eût voulu posséder pareil emblème.
    — C’est inusité, mais très approprié. Toutefois, cela ne risque-t-il pas de heurter l’âme sensible de votre dulcinée, voire de l’effaroucher ?
    — Elle sait déjà qui je suis. Cela convient-il, ou non ? Louis pointa la bande d’étoffe.
    — Ce sera parfait. Tenez, reprenez-la. Elle est très inquiète, vous savez.
    — Moi aussi. Et vous savez pourquoi.
    Louis replia l’écusson et l’enfouit dans sa besace.
    — Oui, je sais, dit Lionel doucement.
    Il jeta un coup d’œil en direction de la porte de l’église et prit Louis par le bras.
    — Quelqu’un pourrait entrer. Venez un peu par ici. Voilà. Entrons là-dedans. Nous y serons plus à l’aise.
    Ils disparurent dans le confessionnal. Lionel ouvrit la petite porte qui séparait leurs deux visages. Louis reprit, comme s’il n’y avait pas eu d’interruption :
    — Elle aussi saura bientôt.
    — Et vous craignez qu’elle n’utilise ce prétexte pour faire annuler le mariage.
    C’était l’évidence, et lui-même y pensait depuis bien longtemps. Pendant toutes ces années, Louis n’avait pu s’empêcher de ressentir un certain soulagement à l’idée de ce mariage, car cela signifiait que personne n’était au courant de son impuissance. Peu de gens, en fait ; il n’y avait que deux médecins juifs et quelques moines, dont Lionel lui-même. Si quelqu’un pouvait lui mettre des bâtons dans les roues, c’était bien ce dernier. Pourtant, Lionel ne faisait rien pour empêcher cette union. Pour une mystérieuse raison que Louis n’arrivait pas à s’expliquer, il l’encourageait, même. Ce fut peut-être pour cela que Louis fit le choix de se montrer honnête et qu’il avoua :
    — Non. Je m’occupe de rendre cela impossible. Mais elle passera pour bréhaigne*.
    — Que

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