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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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réfléchir un moment et répondit :
    — Je ne sais pas.
    — Permettez-moi de vous poser la question autrement.
    — Je préférerais me confesser.
    — Ce que vous répondrez à ma question équivaudra à une confession. Et ma question, la voici : puisque vous n’aimez personne et ne laissez personne vous aimer, serait-ce que vous ne vous aimez pas vous-même ?
    Lionel sut qu’il avait fait mouche et il eut peur. Louis se leva brusquement. Ses doigts rudes s’accrochèrent au grillage, à la hauteur du visage du père Lionel, et menacèrent de l’arracher à la cloison. Le moine eut un mouvement de recul. Le colosse gronda :
    — Ça suffit. Qu’est-ce que vous me voulez ?
    — S’il vous plaît… pas de ça ici.
    — Ça n’est qu’une boîte.
    D’un coup de pied, il ouvrit la porte du confessionnal.
    — Mon fils, calmez-vous. Écoutez-moi. N’allez surtout pas croire que je doute de votre intégrité. Ce n’est pas cela. Mais vous me connaissez, je suis quelqu’un qui aime à soulever les roches afin de regarder ce qui s’y cache.
    — Il n’y a rien sous les roches. Ça grouille d’insectes et ça ne vaut pas la peine d’être vu.
    Lionel continua comme si Louis n’avait rien dit :
    — Je passe ma vie à remettre même mes propres idéaux en cause. Ce que j’aimerais être capable de vivre la douceur de l’Éden au sixième jour, d’avoir le bonheur de savoir que tous mes sacrifices n’auront pas été vains…
    Louis secoua la grille avec violence.
    — Bon Dieu, taisez-vous ! Un mot de plus et je… Arrêtez toutes ces questions. Dites-moi, si vous le savez, où est le plus grand bonheur. L’avez-vous trouvé dans vos chimères que vous ressassez depuis des années ? Non ? C’est donc que ça n’existe pas. Laissez tomber. Le seul vrai bonheur, c’est de ne plus penser, de se contenter de se battre jusqu’à ce qu’on finisse tous par en crever comme des chiens !
    Alors qu’il sortait précipitamment du confessionnal, Louis s’y cogna la tête. Il se plaqua une main sur le front.
    — Saleté de merde !
    Tandis qu’il s’éloignait, Lionel dit, d’une voix tremblante :
    — En un sens, j’ai obtenu ma réponse. Merci, mon fils. Ego vos absolvo, in nomine Patris…
    C’était la dernière fois que Jehanne et Louis allaient se voir avant les épousailles. Dès la fin de leur promenade, ils allaient être séparés jusqu’au lendemain. Ils n’allaient se retrouver que devant l’autel. Les bans avaient été proclamés trois fois lors des offices à l’église paroissiale, et personne ne s’était opposé à leur union, pas même Sam qui avait été dûment maintenu à l’ordre. Le jeune Écossais avait obtenu de Lionel la permission spéciale d’assister à la cérémonie et aux réjouissances d’après, pour autant qu’il consentît à bien se tenir.
    Une brise de mai dérangea les fleurs fragiles d’un pommier. Un nuage de papillons roses se détacha de l’arbre, et la brise ainsi toute parfumée partit folâtrer plus loin en faisant frémir un groupe d’aubépines immaculées.
    — À quoi pensez-vous, juste là ? demanda-t-elle doucement, comme pour s’assurer qu’elle l’avait bien suivi au-delà des pas.
    — L’aimez-vous encore ?
    Jehanne baissa la tête et sourit timidement.
    — Eh bien, vous alors ! Vous êtes avare de mots, mais ceux que vous prononcez valent plus que bien des discours ! Non, Louis – pour la première fois, elle osait l’appeler par son prénom. Sam et moi, c’est fini. Ne lui en dites rien, surtout, mais il m’a fait une confidence. Depuis peu, il me parle sans arrêt d’aller rejoindre l’ost du roi en Espagne.
    Louis se demanda s’il n’y avait pas anguille sous roche, car elle s’était un peu trop hâtée de lui confier ce secret. Il dit :
    — Je lui ai fortement conseillé de partir après les noces.
    Il ne regrettait rien. Il s’approcha d’elle. Sam allait être capable de se trouver une autre femme un jour. C’était un jeune homme normal, passionné, plutôt bien fait de sa personne. Mais lui, il ne trouverait jamais nulle part d’autre Jehanne. Elle dit :
    — J’ai beaucoup pleuré, vous savez. Cet automne d’il y a deux ans aura vraiment été une saison pluvieuse pour moi. C’est pour cela que j’étais partie. Je n’avais envie de voir personne, vous comprenez ?
    — Oui. Ça va.
    — J’avais besoin de temps, de m’éloigner. D’être seule un peu,

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