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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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descendirent au niveau du ventre plat et des hanches étroites de son fiancé. « Un homme de trente-trois ans, et qui a un corps de tigre », se disait-elle pendant que Louis, courtois, se laissait scruter. Il semblait conscient de l’effet qu’il produisait sur elle.
    Lionel, à demi habillé, les avait devancés. Il n’avait jamais pu perdre l’habitude de rester réveillé entre matines* et laudes*. Louis ne fit que le regarder en s’avançant avec Jehanne sur le sentier. Elle tenait amoureusement son bras blessé au-dessus du coude. Lionel ne fit rien, jusqu’à ce que le colosse l’eût dépassé.
    — Mon fils, sans vous commander…
    Louis s’arrêta et se retourna. Mais Lionel ne dit rien. « Comme c’est curieux, se dit-il soudain, je n’avais jamais remarqué auparavant cette espèce de tic qui lui retrousse les lèvres. On dirait un sourire carnassier. Firmin avait le même. Mais ce garçon est incapable de rire. » Il sentit une grande fatigue s’étendre à partir du creux de sa poitrine. Il attendit qu’elle se rende jusqu’aux yeux. Ses paupières clignèrent.
    — Qu’y a-t-il ? demanda Louis calmement, comme s’il ne s’était rien passé.
    — Je prierai pour que le Seigneur vous pardonne. Vous ne savez pas ce que vous faites.
    — Il me semble avoir déjà entendu cela quelque part, dit Louis en haussant les épaules avec indifférence.
    Lionel se tourna vers Sam que l’on aidait à se relever et lui dit, en s’efforçant de ne pas trop hausser le ton :
    — Le fais-tu exprès, ma parole, pour gâcher tous nos efforts à essayer de le contenir ?
    — Non, dit Sam.
    — Tu as le don de faire resurgir toute sa vindicte et ce qu’il y a de pire en lui. C’est l’exaspérante vérité. Je l’ai vu de mes yeux vu. Quand tu n’es pas là, Samuel, il arrive presque à se comporter de façon normale.
    Sam ne dit rien. Il s’avouait vaincu. Enroué par la peine et la fumée, Lionel ajouta :
    — Nous n’avons plus le choix. Il va falloir que tu t’en ailles.
    *
    Hiscoutine, mai 1366
    Margot se consacrait à planter plusieurs sachets de lavande dans le coffre en chêne rempli d’édredons, de draps, de taies brodées et de vêtements de nuit qu’elle et Jehanne avaient mis six ans à coudre. Ce coffre allait ensuite être transporté par Thierry et Hubert dans la chambre des maîtres, qui avait été récurée de fond en comble. Les anciens seigneurs d’Augignac n’avaient guère utilisé cette pièce ; pourtant, elle avait été jusque-là laissée respectueusement inoccupée. Malgré le fait que cette chambre était la plus grande de la maison et qu’elle était munie de son âtre individuel, le mobilier en était des plus sommaires. À l’exception d’un grand lit à baldaquin et à courtines, elle était meublée avec ce coffre et la malle de Louis, une table avec deux coffres à dossier plus petits et deux chiffonniers installés de chaque côté du lit, avec chacun leur bougeoir. Un paravent cachait une étagère, un petit miroir d’étain poli et tout ce qu’il fallait pour faire sa toilette. Le nécessaire à raser et le petit miroir d’étain poli de Louis venaient d’y être apportés. Une porte fermée donnait accès au second bouge* du domaine ; il se nichait tout contre le toit en pente. Louis n’allait pouvoir y entrer qu’en se pliant presque en deux. Tout au domaine avait été bâti en fonction de gens de taille normale. Il lui fallait constamment faire preuve de vigilance pour ne pas s’assommer sur des colombages ou des linteaux de porte trop bas pour lui. Il en avait heureusement pris assez tôt l’habitude.
    La jeune fille, qui pliait ses chemises de nuit neuves, jetait des coups d’œil de plus en plus anxieux à la servante. Lorsqu’elle tomba sur un vêtement différent, elle le secoua et le tint à bout de bras devant elle : il s’agissait d’une huque* de cariset* doublée qu’elle avait cousue en secret pour Louis. De facture simple, ce grand vêtement n’en possédait pas moins une petite touche de raffinement. Jehanne en avait brodé la cordelière, l’ourlet, les poignets et le col de pampres en fil vert sombre. Allait-il accepter de porter ceci ? Même ces modestes garnitures qu’elle y avait mises l’année précédente lui semblèrent extravagantes. Elle replia le vêtement et le déposa dans le coffre avant d’en prendre un autre.
    — J’espère au moins qu’elle lui fera plaisir, dit-elle. C’est

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