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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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pourquoi pas, puisque cela lui rendait service. Isabeau reprit :
    — Je vous dois aussi des excuses. Non, permettez. J’ai tantôt manqué d’une courtoisie élémentaire à votre endroit.
    — Ce n’est rien. J’ai l’habitude.
    — On ne s’habitue jamais au mépris, maître Baillehache. Jamais. Cela dit, j’admire votre attitude sereine face à l’ostracisme dont vous faites l’objet. Cela doit exiger de votre part un grand contrôle. N’est-ce pas ?
    — Je suppose. Mais ça s’apprend comme le reste.
    — « Comme le reste. » Je vois ce que vous voulez dire. Quelle horreur. Il est encore bien tôt pour vous retirer. Le roi risque d’en être offensé.
    — Je doute que ma présence lui soit aussi indispensable.
    — Détrompez-vous, maître. Avec tout ce qu’on raconte à votre sujet !
    — Sûrement des fables.
    — Peut-être. On vous surnomme Beelzeboul*. Vous le saviez ?
    — Non, je l’ignorais. Peu m’importe ce que les gens disent de moi.
    — Parce que vous avez le pouvoir de les faire mourir, dit la femme avec un regain d’hostilité à peine voilé.
    Louis cessa de marcher. Il secoua discrètement son bras pour se tourner de nouveau vers elle.
    — Que l’on m’aime ou me déteste ne change rien à mes devoirs. J’obéis aux ordres qui me sont donnés, c’est tout.
    Isabeau sourit et dit :
    — Bien sûr. Notre beau sire a un sens inné de la cautèle. J’ai appris qu’il a l’intention de vous garder auprès de lui pendant un certain temps, comme la curiosité à la fois redoutable et attrayante que vous êtes. Avez-vous une préférence pour les pucelles ?
    — Qu’entendez-vous par là ?
    — Ne me dites pas que vous n’avez rien remarqué. Ce serait faire insulte à mon intelligence qui, j’ose le croire, est supérieure à la moyenne. Souffrez d’apprendre que, tout au long du festin, il y a eu au bas mot six jeunes filles qui vous lançaient sans arrêt des œillades dont l’évidence frôlait la vulgarité. Ah, nous devons faire preuve d’indulgence envers cette impudente jeunesse, n’est-ce pas ? Cela dit, je conçois qu’un homme de votre… stature puisse se targuer d’avoir l’embarras du choix.
    Ce disant, elle plissait les paupières d’une façon très insultante.
    — Vous dites n’importe quoi, dit Louis.
    — Oh, libre à vous d’en penser ce que vous voulez. Peu m’en chaut. Mais le fait est là. Tout le long du repas, ces jeunes filles ont cherché à attirer votre attention.
    — Je n’ai rien remarqué.
    — Je vous crois. Vous me paraissiez affamé. Sachez qu’en tant qu’hôtesse, j’ai l’œil à tout. J’ai tout vu à votre place.
    C’était inattendu. Louis avait été tôt entraîné à subir passivement calomnies et racontars, à se tenir prêt à se défendre s’il y avait lieu, mais l’attirance macabre qu’il pouvait exercer sur des femmes était quelque chose de nouveau pour lui. C’était un aspect de son métier auquel il n’avait jusque-là jamais eu à faire face.
    Isabeau pencha la tête de côté, moqueuse, avant d’ajouter :
    — Le roi compte profiter de votre… charisme exceptionnel pour raffermir son pouvoir. C’est la raison de votre présence ici, j’en suis persuadée. L’impact que les contes lugubres ont sur les bonnes gens est plus puissant et durable que maints discours. Qu’êtes-vous au juste, maître Baillehache ? Un homme ou Beelzeboul*, le roi des mouches qui infestent le gibet ?
    Louis ne répondit pas.
    — D’après ce que l’on raconte, vous vous abreuvez de sang et vous mangez de la chair humaine. Est-ce vrai ? Si tel est le cas, je conçois que le banquet de ce soir vous ait paru indigeste.
    C’était plus pénible à supporter que les injures d’une foule sans identité propre. Chacune de ses politesses et de ses plaisanteries sonnait faux. Il ne quittait pas des yeux le masque d’arrogance derrière lequel s’était dissimulé le visage craintif qui ne ressemblait en rien aux figures émaciées entrevues, hélas, trop souvent dans la pénombre des cachots. Il n’arrivait pas à comprendre ce qu’Isabeau essayait de faire. Car, manifestement, elle avait peur de lui.
    La main de la femme se porta une nouvelle fois vers le bras du bourreau, qu’elle se mit à palper. Il sentit que sa main tremblait. Il se laissa faire. Isabeau dit :
    — Vous ne parlez pas beaucoup, maître. Est-ce que je vous déplais ?
    — Non.
    — Dites-moi, comment

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