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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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peut-on accepter de pratiquer un métier tel que le vôtre ?
    — Chacun doit avoir ses raisons. Les miennes ne concernent que moi.
    — J’ai toujours cru que les bourreaux n’étaient que de grosses brutes chauves et stupides. Méchant homme ! N’auriez-vous pu sacrifier votre corps magnifique à une cause moins dégradante ?
    — Plaît-il ?
    — Si, par exemple, vous étiez entré dans les ordres, j’aurais pu tenter de vous faire défroquer.
    Elle se mit à tourner autour de lui, si proche que le voile de sa coiffe lui caressa langoureusement les épaules. Il demeura immobile. Elle rit.
    — Quel timide vous faites ! On croirait voir une espèce de grand gamin. Allez, venez.
    Et elle l’entraîna dans un escalier en colimaçon.
    Elle n’avait pas tort : Louis n’avait guère eu l’opportunité d’avoir des relations normales avec le sexe opposé depuis ses quinze ans. Il avait donc conservé à l’égard des femmes le comportement de son adolescence.
    Une fois qu’ils furent parvenus à l’étage, Isabeau le guida dans une longaigne* jusqu’à un pas-de-souris*. Elle se tourna de nouveau vers lui.
    — C’est là.
    — Merci.
    Réticente, elle leva la main vers la petite boucle d’étain qui fermait le haut col de Louis. La fibule* était le seul ornement qu’il arborait. Elle avait entendu dire que cet homme n’appréciait pas particulièrement les femmes, mais elle n’avait rien trouvé d’autre à faire pour distraire son attention. Réprimant avec difficulté son dégoût et sa crainte, elle se moula soudain contre lui et lui caressa les épaules en se disant qu’heureusement, il était propre de sa personne. Louis tituba en la rattrapant d’un bras, mais il ne bougea pas davantage. Peut-être y avait-il des chances pour qu’il finisse par se montrer réceptif. Sa voix basse la fit soudain sursauter.
    — Que faites-vous ?
    — Je me suis toujours demandé comment un homme de votre espèce peut s’y prendre pour offenser le ciel d’autre manière que par sa terrible science. Vous êtes très séduisant, maître Baillehache.
    — Quoi ?
    — Étiez-vous donc si distrait ce soir, très cher ? Ne vous êtes-vous donc aperçu de rien ? Décidément, les hommes sont bêtes. Moi aussi, je n’ai d’yeux que pour vous.
    Mielleuse, sensuelle, Isabeau leva vers lui des yeux dont le velours n’arrivait pas à ternir l’acier. Ses doigts fins serpentèrent parmi les mèches raides de Louis et elle pressa contre lui une poitrine ferme qui à elle seule eût suffi à rendre n’importe quel homme fou de désir.
    — Charles va boire toute la nuit et il n’en saura rien. Si vous souhaitiez me prendre de force, là, tout de suite, nul ne viendrait vous chercher noise. Moi-même, je ne pourrais rien faire. Vous êtes grand et fort, et votre nom est Beelzeboul*.
    Isabeau était habile. Aucun homme ne lui résistait jamais. Un sourire cynique s’esquissa sur son visage :
    — Tout à l’heure, en vous voyant vous sustenter ainsi qu’un ogre, je me suis dit : « Tiens, allons voir s’il est capable de faire mieux que ce que j’ai vu jusqu’à présent avec ses mains et sa langue. »
    Louis ne répliqua pas. Une main délicate sinua entre leurs ventres pour se nicher contre l’organe de l’homme. Isabeau éclata de rire au moment où Louis lui saisissait le poignet et le serrait. Mais aussi bref avait-il été, l’effleurement lui avait permis de constater par elle-même qu’il ne la désirait pas.
    — Vous, je vous aurai, dit-elle doucement, méchamment.
    — Ça m’étonnerait.
    — Comment s’appelle-t-elle, la femme choyée qui possède votre cœur, si tant est que vous en ayez un ?
    — Elle s’appelait Églantine. Elle n’est plus, dit-il avec dureté.
    Les yeux de l’hôtesse jetèrent des éclairs. Elle lui offrit un sourire en coin et dit :
    — Vous êtes un mufle.
    — Pas plus que vous qui agissez comme une putain.
    Isabeau s’écarta brusquement. Un bouquet d’étincelles crépita dans les cheveux sombres de Louis et la dame laissa échapper un cri de mauvaise comédienne : un objet frappa le mur à deux pouces de la gorge du bourreau et rebondit sur les lattes en bois du plancher. Il aperçut un poignard au manche ouvragé et se ressaisit juste à temps : une épée essayait de l’épingler au mur et il dut se jeter en avant pour dégainer son damas* avant même de jeter un coup d’œil sur son agresseur.
    C’était le jeune

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