Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
Vom Netzwerk:
aussi quelque peu incommodé par les manières du géant. De la garniture à tarte commençait à lui dégouliner aux commissures des lèvres. Il se pourlécha bruyamment. Distrait, il mordit à nouveau dans sa pâtisserie. Un raisin sec, tout plissé, se colla à sa lèvre supérieure. Il le recueillit avec sa paume à l’instant où il tombait et se l’envoya dans la bouche d’une chiquenaude. L’évêque le regardait faire avec dégoût.
    — Vous aimez ? demanda-t-il au bourreau avec une pointe de sarcasme.
    — Oui.
    Louis raffolait des fruits et il n’avait pas souvent l’occasion de manger des choses sucrées, si ce n’était au miel. Tous ces plats étaient pour lui de véritables friandises. Il les termina bien avant tout le monde et, vaguement coupable de son manque de retenue, il se reprit en sirotant du bout des lèvres son vin de mûres. Quiconque était surpris à le dévisager détournait les yeux dès que Louis le remarquait. C’était gênant. Son malaise persistait malgré l’excellence de la nourriture.
    — Vous ennuyez-vous, maître ? demanda l’évêque.
    — Non. Monseigneur.
    À un banquet, il était de mise d’entretenir avec ses voisins au moins une conversation polie. Si rire bruyamment était très mal perçu, ne pas rire du tout était pire. Il fallait à tout prix éviter les sujets politiques et ne pas se gratter.
    — Vous n’êtes pas très causant.
    — Je n’ai rien à dire, répondit Louis.
    Un jongleur précéda l’arrivée du second service. Les petits flambeaux qu’il lançait en l’air retombaient en semant des étincelles. Son numéro dura plusieurs minutes et prit fin face au roi devant qui il s’inclina. Une nouvelle procession de serviteurs s’avança avec de beaux arrangements d’œufs heaumes*, des cailles qui avaient d’abord été pourbouillies* dans du lait épicé pour être ensuite enveloppées dans deux feuilles de laurier et cuites au four, ainsi que du lait lardé découpé en tranches épaisses. Une délicieuse odeur de cannelle, de cardamome, de girofle et de galanga flottait au-dessus des petits volatiles amoncelés en pyramide. Louis connaissait bien le lait lardé : il s’en faisait parfois, lorsqu’il pouvait en acquérir tous les ingrédients : il s’agissait de lait que l’on faisait bouillir avec de petits morceaux de lard. Une fois ce mélange refroidi, on y ajoutait des jaunes d’œufs et on poursuivait la cuisson au bain-marie. Il fallait ensuite égoutter le tout à travers un linge afin que le mélange devînt suffisamment ferme pour pouvoir être tranché et frit. Celui que Louis dégustait ce soir-là était de loin meilleur que celui qu’il se préparait, puisqu’il était sucré et saupoudré de clou de girofle moulu.
    — Est-ce que vous mangez tout ? demanda l’évêque, exaspéré, en entendant quelque chose craquer sous les dents de Louis.
    Le bourreau se contenta de le regarder en silence comme s’il n’avait pas compris, tout en mastiquant ce qui avait tout l’air d’être des os de caille. L’évêque eut sa réponse peu après lorsqu’il vit l’homme en noir tourner la tête pour cracher par terre un morceau de cartilage qu’un chien vint renifler. Louis répondit :
    — Quand c’est petit, je l’avale. Ça passe tout droit.
    — Miséricorde, Baillehache, épargnez-moi les détails.
    Louis haussa les épaules avec indifférence. En ratissant la terre des latrines, il avait lui-même constaté la présence de vertèbres de harengs, ou encore de ces petits os que l’on trouvait dans les pieds des porcs et des moutons, mastiqués, digérés, mais entiers.
    — C’est vous qui m’avez posé la question, fit-il remarquer.
    Il était affamé et fut satisfait de ne plus avoir à faire les frais d’une conversation que l’évêque, à partir de là, se montra peu enclin à poursuivre. Les autres convives semblaient s’être tous entendus pour faire comme si le bourreau n’existait pas, certains parvenant à camoufler leur embarras mieux que d’autres.
    De son côté, Isabeau d’Harcourt s’était calmée. Elle paraissait songeuse. Charles de Navarre discutait avec animation, les yeux tournés vers ses autres voisins, et il ne s’interrompit pas à l’arrivée du second entremets que l’on apporta sur un brancard. C’était une pièce montée qui représentait le lion d’Angleterre, sa patte posée en vainqueur sur un lys doré. À cheval sur le dos du lion était un enfant

Weitere Kostenlose Bücher