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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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Isabeau. Je crains fort que mon champion ne soit qu’un triste vantard.
    La poitrine noire trop exposée était une cible si tentante que d’Asnières ne fit pas tellement attention à la lance. De toute façon, ses calculs étaient exacts : il allait être trop tard pour que son adversaire pût la relever à temps. Le jeune homme jubilait. Un flot d’adrénaline déferla dans ses veines.
    Mais le bourreau fut capable de relever sa lance. Le coup que d’Asnières s’apprêtait à porter en fut dévié et les deux lances se fracassèrent quand même une nouvelle fois en rencontrant les boucliers.
    D’Asnières ne comprit pas ce qui se passait. Il entendit la brute gémir sous la force de l’impact et disparaître pour faire place au ciel laineux. Le jeune noble tomba de cheval presque trop doucement, avec un humiliant bruit de ferraille. Étourdi par la secousse résonnante de sa cervelière*, il roula sur le dos. Il vit le flanc de Tonnerre et l’une des jambes de son cavalier passer tout près. Philippe se remit péniblement debout. Louis n’avait pas été désarçonné. Il laissa tomber son moignon de lance avec son gantelet et se courba en posant la main sur son épaule gauche que son écu cachait encore. Pour d’Asnières, la défaite était d’autant plus cuisante que la foule acclamait bruyamment le bourreau. Sa propre tricherie s’était retournée contre lui.
    Louis se laissa glisser de cheval. Sa main réapparut. Elle était rouge de sang.
    — Allez, sale bâtard ! hurla Philippe d’Asnières. Voyons un peu si tu sauras encore te montrer vaillant à l’épée. En garde !
    — Il ne peut pas, il est blessé, criaient des voix de femmes depuis les hourds*.
    Des hommes scandaient : « Baillehache ! Baillehache ! » C’était trop. D’Asnières se mit à assener quelques coups inoffensifs visant à provoquer une réplique chez son adversaire qui haletait. Louis se protégea sans un mot, puis il finit par consentir à dégainer son épée. C’était donc signe qu’il acceptait de relever le défi. Il tint l’écu de son bras blessé, et sa main droite serra à elle seule la prise en cuir de son damas*.
    — L’imbécile ! dit Charles. Il ne s’en sortira pas.
    D’Asnières sut où était son avantage et en profita. De plus, il avait eu sa leçon. Il n’allait pas se faire avoir une deuxième fois. Lucide et rationnel, le jeune combattant ne laissa pas parler sa colère dans une offensive désordonnée. Louis s’en rendit bien compte en étudiant ses premiers coups et les quelques parades qu’il lui fit faire. L’écuyer connaissait les parties vulnérables de son harnois et il savait comment s’y prendre pour bien les protéger. Le seul désavantage de cette armure, une certaine lourdeur, était justement compensé par l’excellente protection qu’elle conférait et dont était dépourvu le bourreau. Il dit à Louis :
    — Tu vas le regretter, mon gars. Le tournoi tue et la joute épargne, mais moi, je ne t’épargnerai pas. Ça, je te le garantis.
    Le choc de leurs lames produisait des étincelles. D’Asnières cherchait à fatiguer Louis en le contraignant à parer sans répit. Cette prudence fielleuse n’inspirait que dégoût.
    D’insouciante, de moqueuse même, dame Isabeau était devenue pensive.
    — Quelle raison le pousse ainsi à ce combat acharné ? demanda Charles.
    — Je l’ignore. L’orgueil, sans doute, ou la simple habitude d’avoir à prouver par la force qu’il a le droit d’exister ?
    Le roi de Navarre tourna les yeux vers elle longuement au risque de manquer la suite du combat. Isabeau, elle, évita son regard. Elle avait les yeux fixés sur son écharpe qui frémissait au bras de son champion. Ils conversèrent à voix basse :
    — C’est bien davantage qu’une politesse que vous lui avez faite là, n’est-ce pas, m’amie ?
    — Mais non.
    — Mais si. Ça ne fait rien. Je vous avais dit qu’il en valait largement la peine et j’en détiens à présent la preuve.
    Louis avait adopté un comportement plus agressif : les coups de taille et d’estoc se multiplièrent, mais sans succès. Il transpirait abondamment sous son heaume, et la tache sombre sur sa broigne* s’élargissait.
    Tandis que Louis esquivait un coup porté à la cuisse, l’épée de d’Asnières décrivit un arc de cercle et l’atteignit à l’épaule blessée, que le bouclier avait brièvement découverte. Le hurlement du géant fut couvert par les

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